Les Européens du continent ont été marqués par leurs racines terriennes. Ils ont parfois des difficultés dans leurs relations avec les peuples aux traditions marchandes et maritimes. C’est ce qu’illustrent les anecdotes citées par Pierre Alain Lemaître dans de « Rencontrer les Autres… cultures autour du monde ».

Il relève d’abord que trois choses frappent d’emblée, dans les contacts avec les Anglais.

Tout d’abord leur attachement à la liberté individuelle, à l’indépendance et, donc, au libéralisme que formalisa Adam Smith à la fin du dix-huitième siècle : on attend de chacun qu’il prenne des initiatives et se débrouille, les obligations sociales et de solidarité étant minimes.

Ensuite leur empirisme, qui fut mis en avant par John Locke (fin du dix-septième siècle) et William James (1842-1910). Les Anglais se réfèrent aux faits concrets et valorisent les observations et expériences pratiques… et rejettent le primat des idées, méprisent les discussions abstraites et se font une gloire de n’être pas des intellectuels.

Enfin leur attitude à l’égard des autres. Leur souci de préserver leur souveraineté fait que les Anglais sont ethnocentriques et considèrent des autres comme des moyens ou des sources d’opportunités. Ils ne peuvent admettre les relations d’interdépendance. Ne dit-on pas : « l’Angleterre n’a pas d’amis ou d’ennemis permanents. Elle n’a que des intérêts durables » ? Souvent, ils sont centrés sur leur propre communauté et ont un sentiment de supériorité manifeste. Ils préfèrent rester entre eux, au sein de leur groupe social et culturel. Cela explique que « les attitudes des Britanniques, les font percevoir comme constamment « distants » … Cette perception est peut-être simplement un effet de leur façon de gérer l’espace. Au Royaume Uni, celui-ci est structuré par l’évitement des contacts corporels, comme l’illustrent les dimensions des fauteuils en cuir des clubs… La proximité physique ne signifie rien. Le fait d’habiter la porte à côté des membres d’une autre famille n’autorise ni à leur rendre visite, ni même à frayer avec eux, par exemple en prenant pour prétexte que leurs enfants sont les camarades de jeux naturels des siens. On ne peut donc établir des rapports avec des Britanniques sur la seule base du voisinage. Chez eux, les rapports sociaux sont fonction non pas des structures spatiales, mais du statut social » (page 141). Cette distanciation se traduit, au Royaume Uni, par une stratification sociale entre des collectivités vivant côte à côte, sans se mélanger, dans des zones distinctes… quasi-castes, qui isolent les ethnies… et séparent les riches et les pauvres.

Ce qui rend les Anglais insupportables, c’est surtout leur non-respect des engagements pris. Des « expériences de collaborations avec des Britanniques permettent de… le comprendre. Leurs comportements reflètent leur histoire et leurs conditions de survie. Ils ont une mentalité de négociants, car ils ont, par le passé, lancé des navires sur les flots. A l’époque, les bateaux revenaient, …ou pas. S’ils ne coulaient pas, c’était la fortune. Mais le risque était immense. Ce qui a justifié la constitution des grandes compagnies d’assurance (Lloyd’s…). C’est sans doute ce qui fait que les Anglais ont pris l’habitude de considérer que, si les conditions changent, le contrat est remis en cause ». Cela correspond aux principes de l’utilitarisme, que prônait Francis Bacon (1561-1626) et qui fut repris par John Stuart Mill (milieu du dix-neuvième siècle). La plupart des Anglais se soucient surtout de leurs propres intérêts, peuvent… admettre de procéder à des tromperies et tricheries… et considèrent que leurs engagements sont réversibles… Ainsi, des démarches manipulatoires pourront, pour des Anglais, démontrer une habileté raffinée d’adaptation rapide, dans les relations commerciales… » (page 133). Pour les Anglais, les duperies font donc partie des règles du jeu, alors que les autres peuvent le percevoir comme étant de la perfidie.

Ainsi, la culture britannique repose, comme celle des Pays Bas d’ailleurs, sur une longue histoire de peuples de commerçants de pays dont la survie et la prospérité ont toujours dépendu de l’étranger et qui établissaient leurs comptoirs marchands sur toutes les côtes du monde…

Ce n’est pas un hasard, si, aujourd’hui, certaines des plus grandes multinationales européennes, telles que Philips, Shell ou Unilever, sont anglo-néerlandaises

Mais, avec les Néerlandais, on est « confronté à une apologie de la négociation et de la recherche du compromis et du consensus. Ils tiennent à ce que leurs avis soient pris en compte dans les décisions de groupe… Pour eux, le bon choix est celui auquel personne ne s’oppose. Ils recherchent donc systématiquement une forme de consensus limité de non refus, d’acceptation par tous de ce qui est envisagé… et non de recherche d’une irréaliste adhésion active… Pour cela, ils mettent l’accent sur la consultation, la concertation, la coopération et le soutien mutuel… Ce qui suppose… que les réunions soient fréquentes et marquées par le désir d’aboutir à un accord, que tous les partenaires aient le sens du dialogue, visent la définition de normes communes, soient prêts à des concessions… et disposés à respecter les décisions prises et en assumer la responsabilité… Cela entraine les Néerlandais à pratiquer l’art de la négociation, les partenaires étant d’accord sur certains principes. Toutes les parties doivent exposer leur point de vue. On dit alors les choses sans détour, avec pragmatisme et rationalité. Puis on tente de parvenir à une solution conciliant les positions des uns et des autres. Ce qui perçu, aux Pays-Bas comme un signe d’ouverture et de souplesse. Le choix arrêté est généralement le fruit de la réflexion rationnelle sur ce qui a la plus grande probabilité de finir par emporter l’assentiment général… Cela fait, « culturellement », des Néerlandais, de redoutables négociateurs, surtout lorsque leurs intérêts financiers personnels sont en cause » (page 145).

Revenons sur les particularités culturelles des Anglais.

Ce qui fait leur charme, c’est leur savoir vivre, leur souci du « style » et même de la « classe », de l’apparence, de la présentation et du « chic » des vêtements, mais aussi des « bonnes manières », de la courtoisie, du raffinement et de la distinction, de l’attitude à la fois sûre d’elle-même et détendue, décontractée, nonchalante, en même temps qu’arrogante, parfois hautaine et cynique, matinée d’autodérision… et de l’originalité allant jusqu’à l’extravagance.

Enfin, ce qui rend les Anglais admirables, c’est leur acceptation des risques, avec flegme, y compris l’éventualité de la mort, leur remarquable sang-froid, en restant imperturbables et leur courage que l’on retrouve dans leur discussions impassibles dans lesquelles ils emploient souvent le vocabulaire de la guerre.

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