Dans son livre « Dépasser les antagonismes interculturels Un défi vital pour le monde », Pierre Alain Lemaître souligne l’importance des injustices au détriment des femmes, dans les sociétés majoritaires, dominées par les hommes… et qu’y remédier nécessite encore bien des efforts.
D’abord, dans les sociétés patriarcales, les femmes sont exposées à subir des violences masculines : ainsi, environ trois millions de fillettes sont toujours excisées chaque année dans la vingtaine de pays d’Afrique dans lesquels cette pratique persiste, des femmes subissent des agressions physiques et sexuelles, allant parfois jusqu’au meurtre, qui font encore trop rarement l’objet d’enquêtes et d’inculpations, puisqu’il n’y aurait que 20 % des femmes violées à oser portent plainte et que seulement 3 % des viols qui débouchent sur des procès, des mineures sont engagées par leurs parents dans une union forcée, des femmes sont victimes de violences conjugales, au point qu’il y a, en France, entre 120 et 150 femmes tuées chaque année par leur conjoint ou leur ex-compagnon… et des jeunes femmes sont toujours assassinées par des membres de leur famille pour leurs relations avec des personnes d’autres origines ou religions.
Le combat des femmes pour l’égalité est aussi primordial, car elles sont souvent dévalorisées et n’ont pas les mêmes droits que les hommes. Il est courant que les filles aient « de moindres possibilités d’éducation que les garçons. Pourtant, l’expérience montre que, quand elles bénéficient d’un enseignement, elles réussissent mieux dans les études (par exemple, en France, 84 % des filles ont le baccalauréat, alors que c’est le cas de seulement 74 % des garçons) ». Ensuite, les femmes n’ont pas autant accès à l’emploi que les hommes, puisqu’elles sont, plus qu’eux, recrutées en C.D.D., que plus de 80 % des emplois à temps partiel contraint les concernent… et qu’elles sont encore parfois confinées à des emplois domestiques ou, en tout cas, plus nombreuses dans les métiers peu qualifiés et les filières les moins bien payées (aides ménagères, agents d’entretien, secrétaires, aides-soignantes, employées du commerce…) et moins nombreuses dans les postes les plus rémunérateurs. Il faut dire qu’elles s’engagent, plus que les garçons, dans des études offrant moins de débouchés (littéraire, social, santé, plutôt que sciences et techniques de l’industrie). Les femmes ont aussi nettement moins que les hommes accès aux responsabilités. Elles ne sont ainsi, en France, que 40 % des cadres, alors que 60 % des diplômés de l’enseignement supérieur sont des femmes en Europe, comme aux Etats-Unis. Ainsi, moins de 10 % des PDG des entreprises sont des femmes…
Enfin, les femmes ont, le plus souvent, des limitations de leur possibilités d’action et moins de liberté. Elles ont souvent l’interdiction de disposer de leurs propres personnes et de leurs corps, peuvent même être tenues enfermées, avoir des obligations vestimentaires, être assujetties à des astreintes et exploitées. Et elles doivent accepter de se forcer et refouler leur absence d’envie, voire simuler leur plaisir, dans leurs relations sexuelles avec leurs maris.
Pourtant, ces règles n’auraient pas toujours existé. Selon Heide Goettner-Abendroth, des structures matriarcales auraient existé, notamment en Asie centrale à l’époque néolithique, autour de 13 000 avant J.C. et se seraient développées lors des débuts de l’agriculture et de la vie sédentaire. Mais, autour de 4000 avant notre ère, une crise climatique majeure aurait transformé les terres fertiles des steppes eurasiennes en déserts. Les peuples se seraient alors tournés vers l’élevage. A mesure que les terres s’épuisaient, les conflits s’intensifiaient pour en conquérir de nouvelles. Une culture guerrière s’est alors développée. Le système social, qui avait commencé comme un système de gestion de crise, a perduré. Le patriarcat naîtrait donc de la violence des uns à l’encontre des autres, se battant pour la conquête de pâturages pour les troupeaux. Il est caractérisé par les relations de hiérarchie et domination… et se traduit par une économie d’accumulation et un impérialisme colonial. Il se serait, peu à peu généralisé.
Or, dans ces sociétés patriarcales, les différences culturelles sont couramment enseignées aux garçons et aux filles. « Les garçons ont à apprendre à se conformer à l’ordre, à affirmer leur virilité et à abolir leur empathie. Ils se cuirassent, enfouissent leurs émotions et disent ainsi souvent « je m’en fiche ». Pour exister en tant qu’hommes, ils doivent s’affirmer supérieurs. Ils considèrent que les choses sont vraies, parce qu’ils les énoncent. D’ailleurs la pensée et la raison sont présentées comme leur étant réservées ». C’est sans doute ce qui incite les hommes à la recherche de l’autonomie et de la compétition, dans les sports et sur les marchés, ce qui les pousse parfois à la brutalité. « En retour, la société leur offre l’accès à un statut prestigieux, du pouvoir et de la richesse…
Dans ces sociétés, l’émotion est réputée féminine… et les filles tendent à devenir sensibles et sous le regard critique des autres. Elles deviennent à la fois soucieuses de l’impression qu’on se fait d’elles, préoccupées de leur apparence… et passives, comme en témoigne la fréquence à laquelle elles se taisent ou disent « je ne sais pas ». Celles qui s’expriment sont d’ailleurs perçues comme bruyantes, perturbantes… ou… stupides… L’historienne Michelle Perrot montre ainsi, dans « Le chemin des femmes », que, tout au long de notre histoire, la voix des femmes a été étouffée, empêchée et leurs écrits ont été détruits ».
Ces distinctions entre les sexes ont « plusieurs effets… Tout d’abord, elles engendrent des divergences entre les motivations et projets des hommes et des femmes… Elles induisent aussi « une incapacité des uns et des autres à réfléchir correctement à leurs sentiments. Les garçons la compensent par l’irritation, la rage, la colère et la violence, au moindre doute concernant leur masque d’invulnérabilité, ou s’ils se sentent agressés dans leur masculinité… Tandis que les filles s’enferment dans le silence » (pages 14 et 15). La séparation des sexes crée encore une coupure entre les individus qui, tend à les isoler les uns des autres.
Dans la plupart des sociétés marquées par des tendances patriarcales, les injustices à l’égard des femmes ont conduit alors à de multiples réactions de défense. Ainsi, durant la révolution française, Olympe de Gouges rédigea une « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne ». Par la suite, notamment au cours des décennies 1960/1970, il y eut des mouvements féministes bravant la tradition, l’ordre et la loi, au risque de leur vie… Leur action fit que la situation des femmes s’est beaucoup améliorée, notamment concernant notamment le partage des tâches domestiques telles que les courses, la cuisine, la vaisselle, le ménage, la lessive, et même la toilette des enfants, même s’il reste encore souvent beaucoup à faire pour que ce soit équitable… Il y eut aussi un net progrès dans l’accès des femmes à l’emploi, qui a, d’ailleurs, contribué au développement économique… Cependant, l’inégalité persiste, puisque, par exemple, les femmes ne constituent qu’un tiers de l’effectif de Google… et moins du quart de celui de Facebook ! Et les femmes sont plus exposées au chômage… Il faut dire qu’il reste des codes sociaux machistes, puisqu’une femme est souvent supposée a priori moins compétente et doit s’imposer dans les débats et faire ses preuves. Ainsi, comme le relève Mona Ozouf « les femmes font plus vite connaissance avec la contrainte. De ce fait, elles ont une manière moins arrogante d’envisager la vie ». Ajoutons l’infériorité courante de leurs revenus, pour des postes similaires, puisque, en Europe, les écarts de salaires sont de 16 % en moyenne entre les femmes et les hommes. Il en résulte qu’en France, près de 25 % des pauvres sont des membres des familles de femmes ayant, seules, la charge de leurs enfants… Il y eut aussi, en même temps, un « Mouvement de Libération des Femmes », qui apporta beaucoup : pilule contraceptive remboursée en 1974 en France, légalisation de l’I.V.G. en 1975, reconnaissance du viol comme étant un crime en 1980…
Beaucoup a donc été fait pour remédier aux injustices à l’égard des femmes. Cela prouve que c’est possible. Mais il reste à l’évidence bien des modifications à entreprendre pour leur sécurité, leur égalité et leur liberté.
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