Les messages sur les réseaux sociaux et les médias deviennent insupportables. N’y a-t-il pas lieu de se mobiliser pour résister à ces cascades de dénigrements, de défenses d’intérêts particuliers et d’agressions mutuelles, qui minent la démocratie ?
Aujourd’hui, les communications ne sont plus guère qu’expressions continuelles d’insatisfactions. Plus personne ne se dit content… Cela devient un véritable déni de la réalité, car l’avenir ne s’assombrit pas. Mais les indicateurs ont beau aller dans le bon sens, personne n’est prêt à admettre et reconnaître que nous travaillons moins et avons plus de loisirs que nos parents, que la France est attractive pour les investisseurs étrangers, que le chômage régresse, que nos pouvoirs d’achat augmentent, que l’imposition sur le revenu diminue, ou même que nous vivons en meilleure santé et plus vieux que nos ancêtres… Ainsi, les deux tiers des Français sont inquiets concernant l’avenir de leur pays, ils ressentent et estiment qu’ils contribuent par leurs impôts et taxes, plus qu’ils ne bénéficient en retour de la part de l’Etat et ils ont un sentiment d’appauvrissement. Près de 80 % d’entre eux ont l’impression de subir des injustices en leur défaveur. Serait-ce la fin du sentiment de solidarité ?
Chacun affirme publiquement ses impressions, considère qu’elles sont fondées, se plaint, proteste et exige des réparations, en appelant l’Etat à l’aide, quoi qu’il lui advienne (perte d’emploi, baisse de revenu, catastrophe naturelle telle qu’incendie ou inondation, etc.). Les récriminations et revendications se multiplient. Même les salariés du privé en arrivent à solliciter du gouvernement, des augmentations de leurs salaires !
Les critiques se multiplient, alors, dans tous les domaines. La majorité des gens ne croient jamais que ce qui est fait puisse être positif. Nous sommes envahis par un esprit de dénigrement, très anglo-saxon. Tout le monde passe son temps à la contestation et à la dévalorisation des autres, notamment à l’égard du pouvoir, quelles que soient ses actions. On est passé des compréhensibles incrédulité, défiance et scepticisme, au déni a priori des représentants de l’autorité et de leurs alliés supposés. La plupart des Français jugent que la politique économique suivie a un bilan négatif et pensent que l’argent public est mal géré, comme si les gouvernants cherchaient à s’enrichir en appauvrissant leurs électeurs ! C’est un déchaînement sans retenue, en particulier contre le Président de la République, garant de l’unité de la nation. Où est passé le respect de l’homme que l’on a élu… et du statut qu’il représente… et, à travers lui, à l’égard des institutions. C’est d’ailleurs, ce faisant, un rejet des 40 à 45 % des Français qui continuent à approuver les décisions qui sont prises… Il faut dire que plus un parti d’opposition ne reconnait que quelque chose soit bien fait… C’est une profusion d’accusations d’intentions supposées, relayées par les journalistes et les médias… Pourtant le gouvernement n’est pas inactif, ni dans le renoncement, ni inefficace, ni médiocre. On pourrait au moins reconnaître son courage, lorsqu’il engage des réformes impopulaires, en ayant tout à y perdre. On peut se demander à qui profitent tous ces dénigrements des pouvoirs publics. Certains ne poursuivraient-ils pas cet objectif de tout mafia : délégitimer l’Etat… Tout propos positif n’est pourtant pas qu’un naïf préjugé optimiste confortable. Pourquoi ne s’astreint-on pas à plus de modération… et à éviter, comme autrefois, de proférer de jugements, avant mûre réflexion ?
Chacun voudrait que le monde soit tel qu’il (ou elle) le désire, non tel qu’il est… Tout désaccord est alors considéré comme un danger. On prend les contradictions pour des agressions. L’indignation est immédiate. Ceux qui ne pensent pas comme soi ont tort… et sont à faire taire. Leurs propos sont rejetés. Si l’on défend la laïcité, c’est qu’on est islamophobe… et si on n’est pas favorable à la P.M.A. et la G.P.A., c’est qu’on est homophobe ! On passe à l’exclusion des opposants, à la diffamation, à la censure et à l’appel au boycott. On exige la démission ou le renvoi de ses adversaires… Il est difficile de préserver la liberté d’expression et la présomption d’innocence, car il importe, en même temps, de ne pas en nier ou déformer la réalité des conséquences dangereuses de l’intolérance de certains. Les affrontements d’objectifs particuliers ne vont-ils pas à l’encontre des intérêts de la collectivité ?
Ces attitudes entraînent une radicalisation des antagonismes. Comme si la fin justifiait tous les moyens. Il y a toujours eu, au sein des sociétés, des antagonismes entre des groupes qui défendaient leurs intérêts particuliers au détriment des autres. Mais, aujourd’hui, tout le monde se sent attaqué, se replie dans son propre univers et lutte pour sa vision. Des communautés ethnico-religieuses estiment qu’il leur faut s’attaquer aux croyances des autres, pour affirmer leur existence. Cela débouche sur des vagues de xénophobie. Des franges radicales d’extrémistes glorifient chaque indignation et refusent toute forme de compromis. Comme si, au moindre désaccord, on était des ennemis à abattre… Toutes ces réactions et attaques sont provoquées par des affirmations d’opinions et de ressentis émotionnels, présentés comme des certitudes. Convaincus d’avoir raison, les individus utilisent alors le numérique comme une arme de guerre, en diffusant, sur les réseaux sociaux d’Internet, des fake news, des accusations, des rumeurs, des théories complotistes et des vidéos truquées. Ce qui aboutit à des jugements et des condamnations sans appel de ceux qui déplaisent. On peut regretter que les réprobations de certains ne fasse pas plutôt l’objet d’un traitement normal par une justice conforme au droit. Mais on peut aussi déplorer qu’on fasse, de la moindre opinion négative, l’objet d’un spectacle théâtral ultra-médiatisé. Montrer des photos de dealers de drogue ou de terroristes est-il neutre ? Pourquoi mettre ainsi des criminels sur un piédestal ? Aux yeux de certains, ils en sont glorifiés ! Cela ne peut que susciter un attrait pour des jeunes paumés. Cela renforce la capacité de n’importe quel activiste rageur à faire des dégâts.
On assiste alors à des querelles politiques et sociales, des surenchères passionnées, d’incessantes invectives verbales et insultes… Se défouler sur un congénère permet peut-être effectivement aux protagonistes de rester en bonne santé… Comme si la colère justifiait la haine.
Cela débouche sur des incitations à la violence et des batailles. Cette propension à épancher son agressivité serait-elle générée par son impuissance à surmonter ses frustrations ? Mais le résultat c’est qu’on est confronté à ceux qui ne respectent pas les lois. Des extrémistes et casseurs, qui font dégénérer les manifestations, sont un danger pour la démocratie. Cela débouche sur une multiplication d’exactions, destructions de biens publics, incendies criminelles… de voitures, vandalismes de permanences d’élus, coups de feu devant leur domicile, menaces de mort et atteintes physiques (coups de poing). C’est la prolifération des menaces, dont il résulte des intimidations, donc des concessions, pour ne pas faire de vague et avoir la paix. Ces brutalités expliquent celles, en retour, des forces de l’ordre. Qu’est-ce qui le justifie ? Peut-on admettre que certains légitiment leurs exactions par leur énervement ? Ne sommes-nous pas en train d’héberger le germe d’un empoisonnement de la démocratie ?
Les désaccords et compétitions ne justifient pas la guerre. Ce n’est pas en détruisant les autres qu’on gagne. Pour la défense des minorités sociales, ethniques ou sexuelles qui subissent des traitements défavorables, la préservation du modèle démocratique est primordiale. Il suppose un débat, des contradictions, des contrepoids, un échange d’idées dépassionné et du sens critique, car c’est dans l’altérité qu’on valide sa pensée et en façonne les nuances.
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