Aujourd’hui, se multiplient les revendications de groupes qui défendent des intérêts particuliers. Au nom d’une classe sociale, d’une appartenance ethnique, d’une religion, ou d’un « genre », des mouvements militants revendiquent la reconnaissance de l’originalité d’une « culture » qui leur serait propre.
Certains de leurs membres ont actuellement tendance à s’opposer à ceux qui n’adhèrent pas entièrement à leur conception, à ne plus écouter ce que disent ceux qui ne font pas partie de leur groupe, à s’opposer à tout débat, ou même à exclure les « autres ».
Une telle orientation est sans issue, pour de multiples raisons.
Il est primordial que nous soyons ouverts à la connaissance de ceux qui sont différents de nous et que nous nous efforcions de nous comprendre, ce qui suppose de dialoguer.
Il est évident que certaines minorités peuvent légitimement se dire victimes des traitements préjudiciables ou offensants qu’il leur arrive de subir (exclusions, expressions vexatoires ou insultantes, humiliations, maltraitances…). C’est évidemment le cas des membres des groupes sociaux et ethnies qui subissent des discriminations, notamment dans l’accès à l’emploi, au logement ou à l’école, des adeptes de certaines religions, de féministes, ou de défenseurs de certaines orientations sexuelles (homosexuels, LGBT…). On comprend ces réactions, face aux violences faites aux femmes, aux cimetières juifs profanés, aux femmes voilées prises à partie, ou aux attentats devant des synagogues ou des mosquées, etc.
Or, l’exigence de la reconnaissance de leurs droits à un traitement équitable débouche maintenant parfois sur une opposition à tout dialogue, ou même à une exclusion des « autres ». Ainsi, le mouvement « décolonial » hiérarchise les gens en fonction de leur profil et impose des réunions en groupes « non mixtes », dans des « safe spaces » interdits aux « blancs ». Ces derniers n’auraient plus le droit de parler des « noirs », car ce serait de l’« appropriation culturelle ». Une telle intolérance aboutit à retourner l’antiracisme en racisme contre la supposée « domination blanche ».
J’estime que rien ne saurait justifier un tel refus de l’échange et des rejets. On ne résoudra les ostracismes sociaux qu’en oeuvrant pour une meilleure compréhension mutuelle.
Cela suppose que l’on dépasse les obstacles dus aux différences interculturelles.
Ainsi, quand on rencontre des étrangers, notamment quand on voyage, il arrive que l’on soit surpris, interloqué, ou même choqué par les pratiques de la population des pays qu’on visite.
A certains endroits, la plupart des gens trainent des heures durant, ou évitent de répondre clairement aux questions qu’on leur pose sur leur position, ou bien ont tendance à remettre en question ce qui avait été convenu, ou encore ne se gênent pas pour critiquer les autres. Certains peuples sont habituellement distants, tandis d’autres se collent à vous. Ici, la plupart des gens sont plutôt pragmatiques, tandis qu’ailleurs on valorise plus le conceptuel. Ici tout le monde est préoccupé de sécurité. Ailleurs, on prend facilement des risques. Ici, la majorité des gens ont des comportements individualistes. Ailleurs, ils se soumettent généralement aux intérêts collectifs. Ici on est respectueux des règles et/ou de la hiérarchie. Ailleurs chacun défend avant tout sa liberté individuelle…
Cette diversité est flagrante. Ce qui ne veut pas dire que certains soient supérieurs.
C’est pourquoi je viens de publier un livre, intitulé « Rencontrer les Autres… cultures autour du monde », dans lequel je décris les réactions, parfois étonnantes et difficilement compréhensibles, auxquelles j’ai été confronté ces dernières années, en menant des projets de développement économique et social dans plus de trente pays d’Europe, Amérique, Afrique et Asie.
Inévitablement, une partie de ce qu’on dit dans un tel ouvrage est faux, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, chaque humain est unique. Les spécificités personnelles de certains peuvent être plus importantes que ce qu’il/elle a en commun avec les autres. Aussi, dans son cas, c’est une simplification déformante que dire ce qu’il/elle partage avec ceux qui ont la même culture. Chaque fois que l’on décrit ce que l’on a constaté que la majorité des membres d’un groupe ont en commun, on exprime une généralisation qui néglige le fait que bien des membres de ce groupe se distinguent de cette tendance générale…
De plus les observations que l’on fait sont inévitablement biaisées, car elles ne reflètent que des expériences limitées. Par exemple, ce que je dis de l’Afrique ne provient que de la dizaine de pays du nord et de l’ouest du continent, qui sont les seuls que j’ai connus.
Enfin, il est évident que le regard porté par un tiers est toujours biaisé. Ainsi, par exemple, nul homme ne percevra tout ce que vivent les femmes.
Est-ce pour cela qu’il faut se taire ?
Sans cela comment comprendre ce qui fait que la plupart des membres d’une culture ont les mêmes usages, adoptent les mêmes mœurs, perçoivent le monde de manières similaires et ont des conceptions des choses semblables ?
Pour ma part, je ne prétends pas savoir ce que sont les autres. Mais je revendique d’avoir le droit de m’intéresser à eux… et de dire les impressions qu’ils m’ont faites.
Dans « Rencontrer les Autres… cultures autour du monde », je me suis efforcé de de discerner quelles sont les principales différences entre les cultures, donc les réactions inconscientes auxquelles il convient de s’attendre dans ses rapports avec des étrangers, si l’on veut éviter les malentendus.
Il est important de parler des autres, ne serait-ce que parce que chacun d’entre nous a des spécificités qu’il ne peut percevoir et identifier que par comparaison, en prenant du recul.
De plus, s’intéresser aux autres est la condition pour un échange interculturel, qui conditionne la compréhension mutuelle.
Comment imaginer réussir seul, sans coopération et partage avec les Autres ?
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