Cet ouvrage reproduit des contes et histoires familiales divertissantes, qu’on racontait, il y a un siècle, en Bretagne, dans la région des sources de la Rance. Il répond aux curiosités des enfants désireux de connaître comment l’on vivait, désireux de donner du sens à leur vie, ou attirés par la psychologie des personnages évoqués. C’est aussi un document historique et ethnologique, qui décrit la culture de la paysannerie pauvre de la Bretagne intérieure, au début du siècle dernier. Il analyse, ce faisant, le rôle éducatif des grands-parents dans l’éducation des enfants, en illustrant la façon dont ils diffusaient les convictions d’une communauté, sans inculquer une morale absolue, qui rejette et exclue les autres. Cet ouvrage constitue, ainsi, une réflexion philosophique sur le fait que les « valeurs » adoptées par les hommes, varient selon leurs conditions de vie et, donc, avec le temps. C’est important aujourd’hui, alors que l’immigration conduit à s’interroger sur l’insertion et, pour cela, à chercher à identifier les caractéristiques d’une identité nationale de référence. N’est-ce pas utile alors que certaines communautés religieuses intégristes promeuvent des règles impératives…
La plupart des contes mettent bien en avant les valeurs que défendait la culture des paysans pauvres du centre de la Bretagne à la fin du dix-neuvième siècle, qui ont influencé l’auteur et sans doute largement les évolutions de la culture bretonne au vingtième siècle :
⇒ l’obligation d’assumer la misère, dans la dignité… et de préserver les siens
⇒ l’acceptation, pour les cadets, de devoir partir pour chercher à faire sa vie
⇒ l’impératif d’un travail soutenu
⇒ l’indépendance personnelle, qui n’empêche pas la solidarité et la fidélité, mais qui se traduit par la tolérance des réactions indisciplinées, jusqu’à l’acceptation des règles relationnelles indispensables
⇒ la conciliation admise d’engagements opposés simultanés, sans reniement de son identité… et inclut l’évocation des possibilités de franchissement des clivages entre groupes sociaux
⇒ la prudence dans l’accueil des étrangers, avant l’établissement de contacts amicaux indéfectibles
⇒ la nécessaire persévérance qui rend les bretons « têtus », face aux difficultés
⇒ l’acceptation des relations énergiques, parfois violentes, qu’il importe, toutefois de contrôler
⇒ la valorisation du courage
⇒ et l’omniprésence du souvenir des morts. Certains de ces « contes » soulignent particulièrement trois spécificités de la culture bretonne, dont l’auteur reconnaît qu‘elles l’ont sans doute handicapé :
⇒ le devoir du sérieux et de la modestie
⇒ le souci permanent de préserver sa fierté, face aux dénigrements incessants des « ploucs », constamment critiqués de « baragouiner »
⇒ le handicap verbal et relationnel qu’induisait les précautions à prendre face au langage trompeur, dans un pays de taiseux. Mais un point central de ces contes est certainement le rôle déterminant de la générosité des femmes. Ne parle-t-on pas du matriarcat breton ?