Nous sommes sous le choc de la répétition des crimes de terroristes très minoritaires, qu’on qualifie d’islamistes parce qu’ils justifient leurs actes en se référant à leur conception de leur religion… Ce n’est pas être hostile à l’Islam, que de dénoncer ces exactions !
Mais quelle est la réalité de l’Islam, en France, comment y évoluent les communautés musulmanes et qu’est-ce qui explique et pourrait neutraliser cette monté de la violence ?
On peut s’entendre avec les musulmans. Personnellement je vis à cent mètres d’une mosquée, dans un quartier de la banlieue parisienne où tous les magasins de proximité sont tenus par des gens originaires du Maghreb, qui constituent la majeure partie de la population… Nous avons aussi, autour de notre maison, des voisins et amis qui ont été confrontés à des conflits avec les Arabes ou les Turcs de pays à majorité musulmane : rapatriés d’Algérie ayant passé leur enfance en Syrie, familles juives et d’Arméniens, Egyptiens coptes… Il y a bien entre nous des différences dans nos habitudes de vie qui pourraient nous opposer… Pourtant, nos relations sont amicales et nous vivons en paix. L’attitude de la majeure partie des millions de musulmans qui sont installés en France est ainsi pacifique et coopérative, dans un pays où ils bénéficient des mêmes droits et sont soumis aux mêmes obligations que les autres… et qui leur apporte sa protection et leur permet de bénéficier de ses bienfaits : infrastructures de transport, aides sociales et sanitaires, éducation gratuite, qui ouvre des possibilités de promotion sociale, etc.
D’ailleurs des centaines de milliers d’Arabes disent être désireux d’émigrer en France.
Cela ne veut pas dire que cela leur soit toujours facile. Etre musulman peut être un handicap. Cela entraîne parfois, comme pour d’autres immigrés, des discriminations au logement ou à l’emploi. Les musulmans peuvent donc, comme toutes les minorités ethniques, sexuelles ou sociales, avoir le sentiment d’être dévalorisés et ignorés… et ressentir bien des vexations. Et ils peuvent ressentir certaines astreintes comme des oppressions (cf. restrictions légales au port du voile, depuis 2004). Cela peut d’ailleurs entraîner chez eux, en réaction, des affirmations ostentatoires des spécificités de leur identité, qui les isolent encore plus.
Surtout que l’Islam véhicule des convictions qui ne facilitent pas l’insertion. Ainsi, par exemple, le Coran est, pour les musulmans, la parole de Dieu, qui édicte une Loi suprême, supérieure à celle des hommes… Cela n’empêche pas la plupart de musulmans qui ont choisi de vivre en France, d’accepter et même apprécier les lois de la République. Ils reconnaissent ainsi habituellement que l’école publique a le souci de ne faire aucune distinction entre tous… et que sa vocation est bien de faire acquérir aux enfants les connaissances et les compétences qui leur seront utiles. Ce qui suppose de tout appréhender de façon objective, historique, de faire la différence entre savoir et croyance, donc de promouvoir une exigence de vérifiabilité des informations alléguées… et de développer sa réflexion, son analyse critique, sa raison et son jugement. Ce qui passe nécessairement par la reconnaissance qu’aucun sujet n’est tabou à l’école, par l’étude des idées des autres… et par des espaces de controverses et discussions. Ils admettent donc que l’école a vocation à faire comprendre aux élèves les valeurs de la République et, ce faisant, de leur dispenser une instruction et une éducation qui leur permettront de ne pas être captifs de superstitions obscurantistes ou d’idéologies totalitaires.
C’est ce qui permet qu’en France, beaucoup de musulmans accèdent à des formations supérieures, deviennent enseignants, ingénieurs, cadres, médecins, avocats, artistes, chefs d’entreprises, ou s’intègrent dans la haute administration.
Beaucoup d’entre eux sont d’ailleurs fiers de leur appartenance à leur pays d’adoption.
Cependant, aujourd’hui, il est primordial que les Français d’origine s’entendent avec les musulmans pacifiques implantés en France… et réciproquement. En effet, des agitateurs tentent, au nom d’un fondamentalisme religieux qui se réfère à la réalité d’il y a mille quatre cent ans, de diviser les musulmans et de les opposer aux occidentaux. Des musulmans sont alors pris dans les dérives de leurs communautés, qui opposent le « nous » au « eux », l’élite riche et instruite, au peuple opprimé et les croyants, aux « infidèles ». Pour certains extrémistes, la séparation du politique et du religieux est ainsi un véritable outrage. Ils sont tellement convaincus de détenir une vérité absolue indépassable, qu’ils ne peuvent admettre que d’autres ne pensent pas comme eux… L’Islam politique en arrive à tenir des discours séparatistes. Un tiers des musulmans feraient passer les préceptes de l’Islam avant les lois de l’Etat. Et même, selon les enquêtes, pour entre un tiers et plus de la moitié des jeunes de ces communautés, embrigadés par un endoctrinement précoce, leurs croyances religieuses sont plus importantes que les valeurs de la République : démocratie, état de droit (dans lequel nul individu ou groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect des règles communes), liberté, y compris d’expression, laïcité (qui met toutes les religions sur un pied d’égalité), égalité entre les hommes et les femmes, etc. Le monde arabo-musulman honnit alors la laïcité. Des musulmans vivant en France ne voient dans celle-ci que des interdictions, notamment de porter des signes religieux. Or, la laïcité est justement le droit à avoir des croyances… et l’acceptation de cohabiter avec des gens qui ne les partagent pas. Ce que n’admettent pas ceux qui refusent l’existence de la Foi des autres. La laïcité autorise la critique des religions et de leurs symboles. Mais elle n’a jamais incité à la moquerie entre les religions. Elle est intolérante aux intolérances, mais admet que la tolérance peut exiger de ne pas tout dire.
Ce discours négatif serait sous des influences étrangères. Ainsi, les pays d’origine des immigrés, sans doute pour garder leur influence sur eux, soutiennent leur identité musulmane et leur nationalisme et contrent les pratiques françaises d’intégration et assimilation, en finançant des mosquées. Il y aurait, en France, plus de 150 imams payés par la Turquie. Il arrive même que les gouvernements de certains pays, comme la Turquie, développent une propagande dénonçant la France comme un pays raciste, ennemi de l’Islam… et antimusulman… Les islamistes prônent alors la détestation des mœurs et de la culture des Occidentaux. A l’extrême, certains vont jusqu’à la haine de la France et de ses valeurs… Cependant, même des imams français, dont la plupart ont pu bénéficier d’une éducation supérieure (professeur, linguiste, avocat…), diffusent des convictions dogmatiques. Ils crient à la dictature, à la moindre mesure visant à limiter les abus… et exploitent toute maladresse pour qu’elle soit ressentie comme une offense, ou une insulte, qui heurte la conscience des musulmans modérés… Ils entraînent une minorité extrémiste, qui évoque sans cesse une victimisation infantilisante de leurs coreligionnaires et font pression sur eux pour les intimider. Le résultat c’est que, selon Jérôme Fourquet de l’IFOP, il y aurait, en France, 750 000 personnes partageant la vision du monde de l’islamisme radical.
Que faire pour limiter ce clivage de la population musulmane de France et neutraliser les dangers d’actions terroristes de la part de djihadistes qui ambitionnent de tuer les mécréants ?
La plupart des musulmans sont concernés, car l’islamisme gangrène leur société. Qu’on ne me dise pas que ce n’est pas vrai. On l’a bien constaté dans l’Algérie du début des années 1990. Et, depuis, la plupart des victimes d’Al Quaida, de Boko Haram ou de l’Etat islamique ou Daech ont été des musulmans ! Il est, en France, de la responsabilité de la République de protéger la liberté de ses citoyens et donc d’y remédier.
Pour combattre la montée de cet islamisme, il est, en premier, indispensable de lutter contre les dévalorisations susceptibles d’induire des oppositions à la collectivité nationale, donc contre la paupérisation des populations des banlieues, où demeurent bien des musulmans, notamment s’ils sont immigrés depuis peu. L’islamisme est, pour une part, un effet de problèmes d’intégration. Il importe, pour les prévenir, d’agir pour remédier aux situations sociales défavorisées des immigrés, qui constituent un quart de la population pauvre, en France, compte tenu du manque de qualification et des difficultés d’insertion sur le marché du travail d’une bonne part d’entre eux. On peut ainsi considérer que la radicalisation de jeunes Français a pu être liée à un échec de l’action publique, dans l’éducation des parents, comme dans le développement de l’enseignement de l’arabe à l’école, qui supposent une présence de l’Etat dans des zones qu’il avait presque abandonnées… Où il est primordial, aussi, de neutraliser les mafias qui prolifèrent autour de trafics illégaux… Ce qui suppose d’aider les enseignants et les élus à remplir leurs missions et résister aux pressions… Cela requiert, parallèlement, de limiter les collusions avec les idéologues, pour qui la critique de l’Islam ou de se dérives est illégitime…
Tout ceci suppose d’engager et soutenir un dialogue constructif avec les représentants des musulmans. Ils y sont prêts, comme le montrent les propos du recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz (« nous sommes horrifiés et rejetons l’idée que des criminels tuent au nom de notre religion ») et du Conseil français du culte musulman, qui a rédigé un prêche où il est écrit : « Assassiner un homme en prétendant défendre la dignité du Prophète est une profanation du message prophétique, un affront à notre foi et une trahison ce qui est sacré ».
Toutefois, ce travail de fond indispensable prendra du temps et est insuffisant, à court terme, face à la fureur meurtrière d’un obscurantisme fanatique, déguisé en piété offensée, qui cherche à provoquer un extrémisme des musulmans et installer la peur chez les peuples d’Occident… Les assassinats sont des crimes. On ne peut admettre les menaces de mort pour avoir effectué une critique de l’Islam, ou le meurtre d’un professeur parce son enseignement (de la Shoah, du génocide arménien, de la théorie de l’évolution…) a déplu. On ne peut espérer faire face à ces agressions en restant pacifiste et se soumettant aux exigences de islamistes, au point de renoncer à des principes de liberté et de débat, sous prétexte de tolérance à des minorités intolérantes.
Il est indispensable d’agir avec détermination, fermeté et constance, sur deux plans.
Prendre des mesures pour contenir les amplifications générées par les réseaux sociaux, sur lesquels les cibles sont désignées… et qui ne se considèrent guère comme responsables des contenus qu’ils publient. Tout contradicteur y est un ennemi qu’on n’hésite pas à menacer, comme si une colère justifiait n’importe quelle violence (décapitation…). Ce qui aboutit à des incitations à la haine… et des appels au meurtre autorisant à tuer des mécréants, sont souvent postés par des dénonciateurs anonymes, dissimulés derrière des pseudonymes… Ce qui fait des réseaux sociaux des moyens de nuire aux autres !
Poursuivre et sanctionner sans pitié les meurtriers, dont on peut douter de l’approfondissement des convictions, compte tenu qu’ils sont, presque tous, très jeunes (la plupart ont entre 18 et 25 ans), qu’ils connaissent souvent peu l’Islam qu’ils prétendent défendre… et qu’ils sont, en majorité, des immigrés récents, réfugiés de pays divers (Maghreb, Afrique sub-saharienne (Soudan…), et Asie centrale : Pakistan, Tchétchénie…), avec lesquels il restera à établir et maintenir des coopérations constructives.
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