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LES DIFFÉRENTES CULTURES

Un tour du monde des cultures étonnantes

Nos cultures nous distinguent et nous opposent.

Et pourtant l’on n’apprend que de la rencontre avec ceux qui sont différents de nous. Nos semblables ne nous enseignent rien que nous ne sachions… Il est d’ailleurs utile de connaître les habitudes et les aspirations des autres, même lorsqu’ils sont nos adversaires.

Il est donc primordial de dépasser nos divergences et nous efforcer de comprendre les autres. Pour cela, avoir vécu dans différents contextes m’a fourni des clés de compréhension mutuelle.

Chaque humain est unique.

Il existe cependant des similitudes dans les réactions des différents groupes sociaux. Ainsi, la plupart des membres de chaque collectivité ont des usages, des croyances et des normes communs.

Nous sommes tous fiers de nos valeurs et avons tendance à les considérer absolues et éternelles. Aussi, constater que l’autre n’est pas comme nous, nous dérange, nous met mal à l’aise et même, parfois, nous choque. Nous nous comprenons mal. Ce qui est source de malentendus.

Et, étant persuadés d’avoir raison, nous sommes tentés d’imposer nos certitudes aux autres.

Ce qui entraîne souvent des intolérances, des mépris, des rejets et des conflits.

Nous aurions pourtant bien besoin de nous comprendre, ne serait-ce que pour coopérer.

Dans « Rencontrer les autres… cultures autour du monde » (éditions Cleyriane), je relate des centaines d’anecdotes caractéristiques, issues de mon expérience d’avoir travaillé et vécu dans une trentaine de pays d’Europe, Amérique, Afrique et Asie.

J’en ai tiré, notamment, les constatations suivantes sur les principales particularités dont il faut tenir compte.

Tous les peuples n’ont pas les mêmes conceptions de l’espace. Certains, notamment les Arabes, recherchent souvent une proximité physique, alors que d’autres, comme la plupart des Anglais, ne sont l’aise qu’à distance de leurs interlocuteurs. Autre exemple, les Français sont accoutumés aux poignées de main et aux bises, alors que bien des Américains ont tendance à éviter les contacts, y compris du regard.

Les diverses sociétés ont aussi des conceptions du temps très différentes. Avec les Orientaux, les négociations peuvent durer longtemps, sans nécessairement qu’on aborde le sujet d’emblée. Les Occidentaux peuvent alors avoir le sentiment que la discussion traîne. En fait, ce qui importe, c’est d’avoir le temps de faire connaissance, pour estimer si l’on peut se faire confiance… Par ailleurs, dans certains pays tels que l’Allemagne et le Japon, tout est planifié dans le détail et la ponctualité doit impérativement être respectée. Il n’en est pas de même partout, notamment en Espagne ou en Amérique latine… Enfin, les Occidentaux sont habitués à percevoir le temps comme se déroulant linéairement d’un début à une fin. Alors qu’en Inde, le temps est considéré comme circulaire… et que la culture chinoise est imprégnée de l’« impermanence » d’un temps à la fois constamment changeant et éternellement stable.

D’autre part, certains peuples valorisent surtout l’expérience pratique (U.K.), les résultats, la réussite matérielle et les gains en argent (U.S.A.). Des populations valorisent le marchandage (Arabes…), ou subordonnent le respect de leurs engagements, aux circonstances (U.K.). A l’opposé, les habitants d’autres pays ont une passion pour les idées, la logique, les discours et les écrits (France), ou pour l’harmonie, la sérénité et la méditation (Orient).

D’autres peuples accordent une place importante à la sensibilité et l’affectivité (émotions) …et aux relations, attentions et compassions pour les faibles. Dans les cultures anglo-saxonnes, il est mal venu de parler de ces aspects. Tandis qu’en Orient, on met en avant la nature et la beauté. En Inde et en Afrique les talents artistiques sont valorisés. Et les Italiens ont une propension à l’extraversion, un souci de leur apparence, une acceptation de désordre et un goût pour des idées novatrices. En France, il y a même des débats passionnés sur des sujets abstraits.

Toutes les populations n’ont pas non plus la même appréhension de la liberté. Chez les anglo-saxons, chaque individu est responsable de ses choix et doit veiller à ses propres intérêts. Ce qui induit un climat de compétitions, de violence et d’inégalité. Ailleurs (Chine…), le collectif prévaut sur l’individu. A d’autres endroits (Allemagne, Japon…), on est habitué à rechercher le consensus et la coopération et on respecte scrupuleusement les règles établies. En Afrique, les relations sont d’emblée fraternelles… et considérées comme devant être réciproques.

Par ailleurs, tous les peuples n’ont pas la même acceptation de l’autorité de la hiérarchie d’un pouvoir central fort (Chine), d’une stratification sociale ancienne (Inde), d’une aristocratie marchande (Angleterre), ou de règles suivies avec ordre et discipline (Allemagne et Japon). A l’opposé, pour d’autres, les relations sont plus égalitaires. En Afrique, les entraides sont spontanées… et chez les Américains le fonctionnement « démocratique » dénonce les privilèges et fait que les dirigeants sont facilement accessibles, portes ouvertes.

Tous les peuples n’ont pas non plus la même propension à rechercher la sécurité (cf. par exemple, protection sociale de la santé, des emplois et des revenus, en France) ou, au contraire, à assumer la prise de risque, avec flegme et courage (Royaume-Uni) et considérer constructivement les échecs (U.S.A.).

On peut relever aussi des réactions aux critiques et évaluations très différentes, d’un pays à l’autre. Les Anglo-saxons recherchent couramment des appréciations de leurs actes et surtout de leurs résultats, quitte à nuancer leurs propos (cf. Canada). Au Japon, il en est presque de même, sauf que tout jugement de la personne est prohibé. Inversement, dans les pays de tradition catholique, la moindre appréciation suscite des réactions de défense, dénégations et autojustification (« ce n’est pas moi », « c’est qu’on n’en avait pas les moyens »…). En Chine, on exprime peu ses opinions, ni refus, ni approbation, pour ne pas risquer de perdre la face.

Enfin, les membres des « cultures de haut contexte » (Orientaux, Arabes, Japonais) s’expriment souvent de façon implicite, car, pour eux, s’expliquer clairement serait une manifestation de mépris de l’intelligence de son interlocuteur. Inversement, aux U.S.A., chez les Germaniques et les Scandinaves, la majorité des gens a tendance à dire directement ce qu’ils pensent, même si c’est, habituellement, sans la violence verbale, que tolèrent les Français et les Latins.

La connaissance de toutes ces particularités des autres facilite la compréhension mutuelle.

LES DIFFÉRENTES CULTURES

A quels conflits géostratégiques s’attendre, dans les prochaines décennies ?

Il y a 150 ans, les premières puissances mondiales étaient le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France… Au vingtième siècle, profitant des guerres mondiales, les Etats-Unis les ont supplantées… et l’Orient est revenu au premier plan. De 1945 à 1989, le monde a été caractérisé par la guerre froide entre la démocratie libérale des U.S.A. et le communisme soviétique de l’URSS. Depuis, le libéralisme et la mondialisation des économies, sont devenus déterminants. La facilitation technique des communications et transmissions électroniques font que les échanges se poursuivront, dans la plupart des métiers, Tous les pays resteront étroitement connectés et interdépendants. Quelles menaces faudra-t-il, alors, prévenir ?

Avec le développement des pays émergents d’Extrême Orient, la part de marché des pays avancés d’Amérique du Nord et d’Europe, dans la production industrielle mondiale, diminue. Ce sont d’ailleurs tous les pays développés qui reculent relativement, même en Asie, puisque les experts prévoient que le Japon passera du 4ième au 8ième rang des économies terrestres, la Corée du Sud du 13ième au 18ième rang et l’Australie du 19ième au 28ième rang.

Nous sommes donc entrés dans la domination du monde par les pays émergents d’Asie. Non seulement leur progression démographique les place au premier plan, mais ils représentent déjà plus de 50 % de la production industrielle mondiale. La Chine est en train de devenir la première économie mondiale, devant l’Inde. La Chine et l’Inde devraient atteindre, en 2050, 35% du PIB mondial, soit 10 points de plus qu’en 2016. L’Indonésie, devrait, alors, être la quatrième économie mondiale. Le Vietnam, l’Inde et le Bangladesh pourraient connaître la croissance la plus rapide, sur la période 2016-2050. Le Pakistan, les Philippines, la Malaisie et le Vietnam devraient ainsi se retrouver parmi les 20 premières économies mondiales

La Chine, qui a connu une croissance économique fondée sur une main d’œuvre abondante à bas coût et sur des emprunts de savoir-faire à l’étranger et des subventions aux entreprises d’Etat, a effectué une modernisation rapide et est devenue un gigantesque empire. Son économie est prospère et son dynamisme entrepreneurial et ses innovations technologiques multiplient ses succès. Elle est dirigée par un régime autoritaire, qui ne cache pas son objectif de réaliser le rêve de rétablir la gloire de la Chine, en restaurant les frontières de l’empire Qing. Elle aspire à devenir le pays de la terre le plus riche et le plus puissant économiquement, technologiquement et militairement. Cette volonté de domination, y compris idéologique, se traduit dans un impérialisme conquérant, au moins à l’échelle régionale, avec des pressions violentes sur certains citoyens (cf. envahissement du Tibet, répression des Ouïgours, fin de la formule « un pays, deux systèmes » à Hong Kong…) et des ambitions territoriales manifestes (notamment récupérer Taïwan, avec qui Xi Jinping, disait, en 2019, que « la réunification se fera inéluctablement », quitte à devoir « utiliser sous les moyens, y compris la force »). Au niveau planétaire, cette ambition se traduit par le projet des « nouvelles routes de la soie », qui vise à donner à la Chine un accès à tous les marchés. Pour cela, la Chine peut traditionnellement compter sur la volonté collective de son peuple de soutenir le commun. En même temps, les libertés individuelles sont limitées par des pouvoirs publics puissants, qui font tout pour neutraliser toute velléité d’indépendance, utilisant la high-tech pour surveiller la population et allant jusqu’à employer le travail forcé. Cependant, la Chine a des fragilités économiques, politiques et démographiques. Elle contrôlait l’exportation des « terres rares » nécessaires à la production des technologies modernes, mais elle est de plus en plus confrontée à des rivaux. Elle a à résoudre d’importants défis environnementaux. Surtout, elle connaît une chute de sa natalité, provoquée par une baisse du nombre des naissances, malgré le rétablissement, depuis 2015, de la possibilité d’avoir plusieurs enfants. Il en résulte une explosion du nombre des retraités et des pénuries de main d’œuvre. La Chine sait que, pour soutenir sa croissance, elle devra augmenter les possibilités de consommation de sa population. Elle fera en sorte de rester, la « manufacture du monde », en sous-traitant de plus en plus aux pays du Sud-Est asiatique qui décollent économiquement. Elle sait aussi qu’il lui faudra tenir compte des réactions des jeunes générations, qui, connectées aux réseaux sociaux, aspirent à une certaine démocratisation.

Parallèlement, la fédération de Russie fait tout pour être toujours reconnue comme un acteur international majeur. Elle a effectivement des atouts indéniables. Ainsi, son territoire est immense, ce qui est un atout pour l’exploitation des ressources naturelles et énergétiques. Mais elle a aussi des faiblesses. Son économie reste très dépendante des hydrocarbures, ce qui lui confère une force par rapport à l’Union Européenne, dont 30 % du brut et 40 % du gaz naturel proviennent de Russie. Mais ses exportations risquent de ne pas être durables à long terme, compte tenu du développement des énergies renouvelables… D’ailleurs, la Russie n’a qu’une part modeste dans l’économie mondiale et son PIB n’a cru que de 1 % en moyenne, entre 2012 et 2019 ! Enfin, son handicap déterminant est peut-être que sa population est très limitée et décroissante… Dans ce contexte, menacé d’instabilité, le gouvernement, désireux de réaffirmer la puissance de la Russie et obsédé par son accès à la mer (cf. annexion de la Crimée et appui au gouvernement autocratique de Syrie), entretient ses technologies militaires avancées, serait prête à des démonstrations de force « asymétriques » pour faire pression sur les pays environnants… et s’avère capable d’utiliser tous les moyens pour limiter toute contestation journalistique ou politique : lois restrictives, répressions avec arrestations des personnalités critiques, censure et bannissement de plusieurs médias, voire assassinats d’opposants… Toutefois, compte-tenu de sa faiblesse économique, la Russie développe ses attaques à l’étranger par les technologies, en s’appuyant sur des hackers, pour s’approprier des données, endommager ou bloquer des dispositifs informatiques, ou diffuser des désinformations et manipuler des élections, afin d’affaiblir, effrayer ou diviser les démocraties libérales.

On assiste aujourd’hui à l’instauration de coopérations entre Chine et Russie, dans les domaines de l’économie, des technologies de pointe, de la défense et la diplomatie. Ces deux pays aspirent à modifier le statu quo international qu’elles jugent contraire à leurs intérêts et visent à « reformater » l’ordre mondial, avec l’adoption de nouveaux instruments de gouvernance. C’est la renaissance d’un monde multipolaire dans lequel s’affrontent des pôles antagonistes.

On ne peut ainsi que constater la montée de régimes autocratiques, anti-occidentaux, nationalistes, impérialistes et répressifs, hostiles aux valeurs telles que la liberté, les droits de l’homme, ou l’Etat de droit et revendiquant une légitimité universelle de leurs idéologies et morales, opposées à celles des démocraties. Cela ne les empêche pas d’avoir adopté le modèle économique du libéralisme, dont la réussite est fondée sur le dynamisme qu’induit la place faite aux intérêts personnels, y compris dans des pays aux politiques inspirés du communisme.

On peut ainsi s’attendre à ce que l’antagonisme sino-américain soit durable et structure la prochaine décennie. La force relative de la superpuissance américaine semble s’affaiblir, relativement. Cependant les Etats-Unis conservent trois atouts déterminants :

Tout d’abord, les U.S.A. ont une économie florissante fondée sur le libéralisme, la privatisation, l’incitation à la consommation et le commerce mondialisé, qu’il lui faut compenser par une politique étrangère qui met en avant les intérêts de sa classe moyenne laborieuse. Tout ceci induit un déficit structurel du commerce extérieur américain, qui ne tient que parce que le dollar est la principale monnaie de financement des échanges internationaux. Ainsi, quoi qu’ils affirment, la promotion des droits de l’homme et de la démocratie n’est pas toujours le premier intérêt des Américains. D’ailleurs son Histoire est celle d’une nation d’immigrants qui a façonné son caractère violent et belliqueux, qui peut être à l’origine de relations conflictuelles.

Par ailleurs, les Etats-Unis ont une expertise technologique de premier plan : la plupart des concepteurs de puces électroniques sont installés aux Etats-Unis. Les U.S.A. sont ainsi engagés dans une course à l’innovation dans les technologies de pointe.

Enfin, le budget militaire colossal des U.S.A. lui confère une puissance déterminante, même si elle ne représente plus que 3,4 fois celle de la Chine. Mais est-elle toujours efficace ?

Les U.S.A. défendent ainsi avant tout leurs propres intérêts à court terme, notamment ceux de leurs propres multinationales, par des accords commerciaux de libre-échange et abusent, pour cela, de leur législation extraterritoriale… Mais, pour peser dans les échanges mondiaux, les Etats-Unis ont besoin d’un réseau de pays partenaires, tels que ceux de l’Otan (Canada, Royaume Uni, U.E.), le Japon, l’Inde et l’Australie, mais aussi les pays non alignés d’Asie du Sud-Est (Taïwan, Corée du Sud, Philippines…), du Moyen Orient (Israël, Egypte, Jordanie…) et d’Afrique (Afrique du Sud). Mais cela suppose la conciliation de ses intérêts avec ceux des autres, qui sont souvent multiples… et parfois contradictoires. Les démocraties sont ainsi divisées par des divergences (par exemple fiscales), qui entament leur confiance mutuelle. Elles ont même une faiblesse interne, du fait des divisions qui les caractérisent, puisque la consommation, qui y a une place centrale, incite les citoyens à se préoccuper seulement de leurs intérêts personnels à court terme et se soucier peu des équilibres mondiaux. Or tout le monde a le droit d’y défendre ses opinions et les oppositions sont attisées par les réseaux sociaux.

Quelle est, alors la perspective de l’Europe. Sa place relative recule. Elle ne domine plus le monde et n’écrit plus l’Histoire, comme pendant plusieurs siècles. Il faut dire que les Européens ont été si fiers de leurs idées qu’ils ne les ont pas protégées et ont laissé leurs fleurons technologiques et économiques partir à l’étranger… L’Europe supporte aussi une immigration islamique, qui fait que 10 à 20 % de sa population est de confession musulmane, ce qui crée des tensions et éveille des phobies de l’islam. On assiste alors à une prolifération des nationalismes et des tentations des repli souverainistes et protectionnistes. Les mésententes entre les pays qui composent l’Europe décrédibilisent alors sa diplomatie. Ce sont les décisions de ses rivaux et adversaires qui décident du futur de l’Europe. Pourtant celle-ci reste puissante par son marché… et a, par son économie et sa culture, un rôle à jouer, du moins si elle consolide ses coopérations internes et son union et fait un effort suffisant pour financer ses innovations…

L’avenir du monde s’écrit donc principalement en Asie, mais aussi dans certains pays d’Afrique et du Moyen-Orient puisqu’on peut prévoir que la Turquie passe, de 2016 à 2050, de la 14ième à la 11ième place du classement mondial des économies, l’Egypte de la 21ième à la 15ième place et le Nigeria de la 22ième à la 14ième place. Le continent africain, aux ressources gigantesques, connaitra alors une explosion démographique. Il faudra certainement compter avec l’énorme potentiel du marché des consommateurs africains, qui se développe rapidement. Cependant, la jeunesse pourrait s’y laisser convaincre par les séditions religieuses armées, génératrices d’insécurités, instabilités politico-juridiques, conflits entre pays et guerres civiles. Le renforcement du contrôle des Etats dépendra alors des compétences et de la motivation, donc de la rétribution, de la discipline et de la loyauté des forces armées régulières. L’Afrique aura besoin d’assistances. Au cours des dernières années, on y constate une implantation de la Chine, qui profite des retraits des pays développés pour avancer ses pions (financement d’infrastructures, contre obtention de ressources naturelles…). Dans une moindre mesure, l’Inde, la Russie, les Emirats Arabes Unis et la Turquie font de même. L’Afrique sera donc, de plus en plus, une zone de lutte d’influence entre ces pays, l’Europe et les U.S.A..

Au Proche- et Moyen-Orient, il persistera des divergences durables entre Arabie Saoudite, Iran, pays du Golfe, Turquie, Egypte, Algérie, Tunisie et Israël. Il continuera à y avoir un antagonisme entre sunnites et chiites, des tensions incessantes et une dislocation des Etats, sauf sans doute en Israël, en Iran, en Turquie et au Maroc, qui poursuivront des visées impérialistes. Par l’accroissement de leur population, les pays arabo-musulmans exerceront une pression démographique, notamment sur Israël. Mais ils peuvent aussi subir de rapides dégradations de leurs situations économiques, comme celle que connaît actuellement la Turquie : captation des profits de secteurs entiers par des proches du pouvoir, inflation et effondrement de la monnaie nationale, accroissement du poids des importations, hausse de la dette, fuite des investissements étrangers, chute du pouvoir d’achat de la population et du PIB par habitant. Ils dépendront donc de l’étranger. Ainsi, faut-il tenir compte des U.S.A., qui ont toujours défendu Israël, notamment au Conseil de sécurité de l’O.N.U., pour l’application des sanctions votées. Depuis 1948, l’Etat Hébreu a ainsi reçu des Etats-Unis 146 milliards de dollars d’aide, dont près d’un tiers pour sa défense, ce qui fait d’Israël le plus grand bénéficiaire d’une aide militaire américaine. Parallèlement, la Chine négocie des contrats d’assistance et de coopération à la fois avec l’Arabie Saoudite et avec l’Iran. Au point que 73 % des jeunes du monde arabe citent la Chine comme étant un allié et qu’aucun pays musulman ne critique sa répression des Ouïgours… Le développement économique des pays du Moyen-Orient pourrait alors augurer de changements dans les sociétés musulmanes. Les séculiers et athées y sont, comme partout, de plus en plus nombreux. Mais, simultanément, le renforcement de l’islamisme radical continuera à nourrir le prosélytisme des extrémistes politique, qui exercent une pression terroriste allant jusqu’au génocide des autres minorités ethniques ou religieuses et oeuvrent pour la désagrégation des autres cultures et la déstabilisation des sociétés des pays avancés, y compris la Chine et la Russie. Ils revendiquent ainsi clairement une guerre civilisationnelle, à laquelle la jeunesse des nations arabo-musulmanes pourrait être sensible.

Au-delà de ces tensions locales, on peut s’attendre, avec l’expansion démographique mondiale, à des tensions et conflits pour le contrôle de l’accès aux ressources naturelles… Les rapports de force resteront tendus. Le renforcement des armements, au point que les budgets qui y sont consacrés sont douze fois plus élevés que ceux consacrés à l’aide internationale, menace la paix.

Mais on peut probablement compter que les dirigeants des grandes puissances continueront à comprendre que le commerce rapporte plus que la guerre. Il est primordial qu’ils restent conscients qu’il est dans leur intérêt de préserver les échanges et coopérations entre les nations.

LES DIFFÉRENTES CULTURES

Que de contresens sur la place des femmes dans l’Histoire !

J’ai publié récemment trois livres qui montrent la diversité des situations des femmes, selon les lieux et les époques. Cela met en évidence l’importance que les luttes pour leur liberté, leur égalité et leur sécurité s’y adaptent.

« Contes et récits imaginaires de Bretagne intérieure », reprend une vingtaine d’histoires que l’on m’a raconté lorsque j’étais enfant, qui reflètent la vie et les croyances des paysans pauvres du centre de la Bretagne, dont je suis originaire, au début du vingtième siècle. Elles soulignent notamment la place qu’y avaient des femmes. J’ai observé que les femmes y avaient simultanément une charge lourde, qu’elles assumaient avec dévouement, car, culturellement, c’aurait été une honte, pour elles, d’être paresseuses… et une autonomie et un pouvoir réels. La plupart du temps, elles n’étaient pas soumises, mais autonomes. Elles avaient l’œil à tout et le droit à la parole et commandaient toute la maisonnée, souvent de façon autoritaire. Elles tenaient les comptes, détenaient les économies de la famille et décidaient de ce qu’on dépensait. Les hommes, sans doute influencés par la domination de leurs propres mères, acceptaient généralement de leur abandonner le pouvoir. Tout ceci est sans doute l’héritage de la civilisation celtique, où la femme pouvait être guerrière, reine et prêtresse. Ici, les femmes avaient surtout besoin d’aides ménagères et d’un partage équilibré des responsabilités, avec leurs conjoints.

« Rencontrer les Autres… cultures autour du monde » relate de multiples anecdotes révélatrices des usages et des convictions surprenants que j’ai observées, ma vie durant, en vivant et travaillant dans une trentaine de pays d’Europe, d’Amérique, d’Afrique et d’Asie. Ce livre met ainsi en évidence les différences, plus géographiques qu’historiques, des rôles des femmes. Ainsi, en Amérique du nord, hommes et femmes sont très libres, mais ces dernières ont, en général, à assumer la charge de la famille et à suivre la carrière de leur époux. Tandis que, dans les communautés arabo-musulmanes, il y a, souvent, une infériorité de femmes : statut de subordination et exigence de soumission, assujettissement au port du voile, restriction de l’éducation, obligation de mariage précoce parfois à des hommes que les filles n’ont jamais vus, maintien des femmes à l’écart de la vie sociale, économique et politique, partage inégalitaire de la propriété des biens entre les femmes et leurs frères, en cas de succession… Les opposantes peuvent être la cible d’insultes et de menaces, ou même subir des coups, ou des harcèlements.

Cette affirmation de la prééminence masculine proviendrait du rapport au désert, milieu hostile, où survivre face à la précarité et la rareté, suppose une violence qui peut aller jusqu’à la férocité… La situation est très différente au Japon, où « les relations humaines sont fondées sur le clan familial… à la fois à l’autorité patriarcale du chef de famille et à la valorisation de la gentillesse…, sous l’influence de l’épouse, mère et ménagère. Les médias véhiculent d’ailleurs toujours l’idéal de la femme d’intérieur, cantonnée dans des tâches domestiques (cuisiner et préparer les repas, coudre…) … et servant les hommes. Nombre de Japonaises s’imposent ainsi de préparer les repas sans recourir aux plats de traiteurs ou aides culinaires qui seraient, pour elles, une « négligence ». Cela fait qu’une proportion importante des femmes cesse toute activité professionnelle à la naissance du premier enfant… Mais, en même temps, au Japon, la coutume est que le mari donne l’argent du ménage à sa femme, qui lui rend son argent de poche. C’est elle qui épargne… D’où une dépendance de tous à son égard, y compris ses fils » (pages 96 et 97). Ailleurs, les situations sont extrêmement diversifiées. En Afrique, les positions des femmes varient selon que le mariage est ou non matrilocal (dans la famille de la femme) et que les filiations (descendance, titres et prestiges) sont ou pas matrilinéaires (se transmettant suivant le lignage féminin) … En Inde, Dieu peut être femme puisque le mâle incarne la matière, tandis que tous les êtres vivants naissent d’une énergie féminine, appelée Shakti. Ainsi, Sarasvati représente la connaissance, les sciences, l’érudition, les arts et la musique, Lakshmi est celle qui apporte la chance, la fortune, la fertilité, l’abondance, la prospérité, la richesse, Parvati incarne la beauté et Durga est une figuration de la lutte contre les démons et de la mort. La place des femmes peut donc être socialement dominante et des femmes éminentes peuvent accéder aux plus hautes fonctions, dans la vie politique (cf. Indira Gandhi). Mais le statut des femmes est rattaché à celui des hommes (père ou mari). Si elles se retrouvent veuves, elles n’ont plus aucune reconnaissance sociale. Ainsi, « souvent, les filles sont moins scolarisées que les garçons. Leur infériorité est aussi culturellement liée aux mariages, souvent « arrangés » entre les familles, qui impliquent de lourdes charges financières (poids des dots…) et un déséquilibre des rôles avec des garçons, dans la prise en charge des parents… L’usage veut que la jeune mariée suive son époux dans sa famille. Elle quitte la sienne et va habiter sous le toit des parents de son conjoint. Elle doit plaire à sa belle-famille et tombe sous la coupe de sa belle-mère » (page 78). D’ailleurs, il est fréquent que des femmes assument les tâches les plus astreignantes de la construction, tandis que des hommes prennent en charge la lessive ou le repassage… En Europe, selon les pays, le statut des mères varie beaucoup, de même que la permissivité sexuelle, la composition des foyers, la fréquence des naissances hors mariage et des divorces… et les activités professionnelles des femmes. En France, la place des femmes varie selon les milieux, car c’est le pays de la cohabitation entre des cultures antinomiques de provinces aux origines différentes, d’une opposition, depuis la Révolution, entre républicains et élite, héritière de l’ancien régime, de l’accueil d’immigrés provenant de multiples pays et continents, qui constituent une part importante de la population. Globalement, dans ce pays où les racines rurales ont été longtemps déterminantes, les femmes sont souvent actives. Elles assument en moyenne les deux tiers des tâches ménagères et les trois quarts de l’éducation, de la santé et de la sécurité de leurs enfants… et seraient, cependant, décontractées, féminines, sensibles à la mode et élégantes et gracieuses. Ce qui aurait entraîné le développement du chic (lingerie, dentelle, haute couture, parfums, bijoux…) et le goût prononcé pour la langue et le verbal.

Enfin, « Dépasser les antagonismes interculturels Un défi vital pour le monde » repart d’abord de cette constatation que les façons de penser et de se comporter opposent parfois les peuples. Ce texte souligne ainsi les particularités couramment enseignées aux garçons et aux filles, dans « les sociétés patriarcales qui s’emploient à séparer les enfants selon leur genre… En conformité avec ce modèle, les garçons ont à… affirmer leur virilité et abolir leur empathie. Ils… enfouissent leurs émotions… et doivent s’affirmer supérieurs… L’émotion est réputée féminine… Les filles tendent à devenir sensibles… et sous le regard critique des autres. Elles en deviennent à la fois soucieuses de l’impression qu’on se fait d’elles, préoccupées de leur apparence, un peu exhibitionnistes » (page 14). « Cette distinction a principalement deux effets… Elle engendre une coupure entre les sexes… Elle entraîne aussi une incapacité des uns et des autres à réfléchir correctement à leurs sentiments. Les garçons la compensent par l’irritation, la colère, la rage et la violence, au moindre doute concernant leur… invulnérabilité, ou s’ils se sentent agressés dans leur masculinité… Tandis que la plupart des filles s’enferment dans leur silence » (page 15) et deviennent passives, comme en témoigne la fréquence à laquelle elles se taisent ou disent « je ne sais pas ». « Ainsi, dans les sociétés dominées par les hommes, on constate bien des injustices, au détriment des femmes. Elles y sont dévalorisées, assujetties à des astreintes et exploitées, confinées à des emplois domestiques, ont… des restrictions de leurs droits et libertés politiques… souvent des obligations vestimentaires et de moindres possibilités d’éducation que les garçons. Elles ont l’interdiction de disposer de leurs propres personnes et de leurs corps et subissent souvent des violences masculines (jusqu’aux atteintes féminicides) … Pourtant, l’expérience montre que, quand elles en ont la possibilité, les filles lisent plus et réussissent mieux dans les études (ainsi, en France, 84 % des filles ont le baccalauréat, alors que c’est le cas de seulement 74 % des garçons) » (page 15). Inversement, dans les sociétés matriarcales, « à l’image de la mère qui doit prendre soin des enfants, les gens sont culturellement attentifs aux autres… et se sentent concernés par ce qui leur arrive. Se développent alors des valeurs qui influencent le comportement de chacun » (page 15) : la modération dans l’exploitation de la nature, le partage des tâches, la bonne entente mutuelle, l’entraide, les décisions fondées sur le consensus, le respect des morts, qui font partie de la vie… et la paix. « Dans ces sociétés, on constate peu d’enjeux de prestige ou de renommée, peu de compétition, d’affrontements agressifs, ou de violence… Tout est fait pour l’évitement des querelles, des disputes, des armements et des conflits » (page 16). L’ouvrage met aussi en évidence, ensuite, la nécessité que les cultures s’adaptent aux conditions de vie des humains. Elles évoluent donc, quand le contexte se transforme, comme l’ont montré les modifications des rôles des femmes dans les sociétés paysanne, industrielle et individualiste et libertaire, à partir des années 1960, dans les pays développés. Ce qui conduit à se demander ce qu’il pourrait en être demain, sachant que les nations font actuellement toutes face, à des défis écologiques, économiques et sociaux communs, qui menacent leur survie. Les surmonter suppose sans doute d’unir ses efforts, donc d’arriver à s’entendre et, pour cela, de dépasser les divergences culturelles. Le développement de la culture féminine du « care » n’en est-il pas le signe ?

LES DIFFÉRENTES CULTURES

My three books on cultures : my roots, my discoveries during international meetings and the inevitable future changes

For more than two years, I have been studying the cultural particularities of our time… and I have published several books…

First, « Contes et récits imaginaires de Bretagne intérieure » (« Tales and imaginary stories of interior Brittany ») was published, in 2018, by L’Harmattan editions, Paris. This book describes the culture of the poor peasants living in the center of Brittany, from which I come, by referring to the stories my grandmother told me when I was a child. Furthermore I recently produced a double audio CD named « Dix contes de ma grand-mère bretonne », in which are recorded « Ten tales of my Breton grandmother », which were quoted and commented on in this book. These works highlight cultural peculiarities, which certainly contributed to Brittany’s adaptation to the upheavals of the twentieth century. The peasantry was marked by openness to the supernatural, but above all by the valorization of work, tenacity and courage, the acceptance of poverty and the obligation to assume, alone, its survival, if necessary in expatriation, at the same time as the need for solidarity. In return, the Bretons were not encouraged to warm relationships and encouraged verbal fluency. This aroused confrontations with the French who considered the intellectual, criticism, reasoning, theories important, valued the sensitivity and elegance of the brilliant oral and written expression, sought security and accepted to depend on the authority of the central power. These differences did not prevent the Britons from defending both autonomous adherence to their own culture… and loyalty to France, for which half of the region’s young men gave their lives during the world wars.

Since this evocation of the past, I continued my intercultural reflections by analyzing what I observed in the thirty or so countries of Europe, America, Africa and Asia, in which I carried out economic and social projects during the last years. This led me to publish, at the beginning of 2020, at Cleyriane editions (Bourg-en-Bresse), a book entitled « Rencontrer les Autres… cultures autour du monde » (« Meeting the Other… cultures around the world »), in which I describe the reactions, beliefs, modes of reasoning and surprising uses that I have observed… and the impressions I got from these experiences. I thus cite multiple examples illustrating the differences, in the apprehension of time and space, in the valuation of the concrete or of ideas, in the importance accorded to the individual and to the community, in the acceptance of risks, in attitudes towards authority, in the concern for freedom or equality, in the acceptance of interpersonal criticisms, in the part of the implicit and the explicit in the exchanges.

I have finally tried recently a new step forward by projecting into the culture that will be needed to adapt to future needs, in a book called “Dépasser les antagonismes interculturels Un défi vital pour le monde” ( » Overcoming intercultural antagonisms A vital challenge for the world”, that was published by Editions L’Harmattan (Paris). At the outset, I take up the cultural characteristics of various societies, showing that their ways of thinking and behaving tend to oppose populations. But I also note that the cultures of peoples have always reflected adaptation to the context and have therefore evolved when it was transformed. I then try to discern what our cultures will have to adapt to, in the future. It is clear that we are, today, increasingly confronted with ecological, health and economic challenges, which threaten all nations simultaneously… and are likely to endanger the survival of humanity… These challenges are so complex that they can only be overcome if men unite their efforts. This supposes that the peoples come to understand each other and, therefore, overcome their cultural antagonisms…

LES DIFFÉRENTES CULTURES

Pour comprendre les étrangers

Ayant travaillé dans une trentaine de pays, mes expériences m’ont conduit à constater différentes caractéristiques qui différencient les cultures. Celles que j’ai décelée, je les ai résumées dans « Rencontrer les Autres… cultures autour du monde », que je viens de publier. Ainsi…

Ne vous sentez pas agressés, si, en voyageant, les gens que vous croisez se collent à vous, ou, au contraire, restent distants. Tout le monde n’a pas les mêmes conceptions de l’espace. Il vous faudra vous habituer à ce que, dans certains pays, les gens aient tendance à se tenir très proches des autres et à vivre dans des lieux exigus. C’est l’inverse, ailleurs.

De même, ne soyez pas surpris que, dans certains pays, on vous fasse attendre et les réunions s’éternisent… ou bien qu’au contraire, on vous. Toutes les populations n’ont pas la conception du temps. Certaines vivent dans l’instant, tandis que d’autres, notamment en Orient, ont inversement tendance à prendre largement leur temps… On doit tenir compte que certains, tels les Allemands, fixent des programmes prévisionnels détaillés auxquels ils s’attendent à ce que l’on se conforme en respectant scrupuleusement ce qui est planifié… Alors qu’ailleurs, quand on dit « demain » cela veut juste dire « plus tard ». N’en est-il pas souvent ainsi, en Espagne ?

Dans certaines contrées, en particulier dans les pays latins, on vous accueillera à bras ouverts. Vous constaterez que chacun s’y soucie de l’apparence… et de sa propre présentation. Il faut vous préparer à ce que tout le monde s’y exprime de façon plutôt volubile… et vous donne la parole. Mais ne vous attendez-pas à ce qu’on se souvienne de vous… Ailleurs, vous rencontrerez des gens silencieux, qui valorisent la neutralité et la discrétion… et il vous sera difficile d’établir des relations avec eux. Mais, si vous y arrivez, vous aurez constitué un réseau d’amis sur lesquels vous pourrez toujours compter.

Il existe encore des régions dans lesquelles on rencontre des gens qui ne s’intéressent guère qu’à ce que l’on fait, à ce qu’on a les moyens de consommer et à ce qu’on possède. Vous y serez entraînés dans des conversations avec des autochtones constamment soucieux de l’action, de la compétition, de la production et des résultats matériels et financiers. Quitte à ce que la violence soit, au besoin, mise en avant…. Dans d’autres régions, la préoccupation principale de la plupart des gens est d’ordre spirituel et chacun se préoccupe surtout de développer son être, plus que son avoir. Vous y noterez que ce qui est primordial, c’est de ne jamais perdre la face. Cela fait, par exemple, qu’en Chine, il vous faudra accepter on ne réponde jamais ni oui ou non, à vos questions. Comme si l’on ne pouvait pas supporter de le reconnaître, si on se trompait.

Dans certains pays, qui ont de longues traditions marchandes, vous devrez comprendre que ce qu’on vous dit est toujours négociable, selon les circonstances, en se référant aux finalités des contrats. Ce qui vous contraindra à engager des discussions pour établir, avec vos interlocuteurs, des accords, dont vous devrez ensuite vérifier constamment qu’ils sont à jour… Ailleurs, pour d’autres populations, ce qui importe c’est le respect de ses engagements, pour l’honneur. Quitte à ce que cela n’oblige qu’à agir de son mieux, sans obligation de résultats.

Dans certaines cultures, comme aux Etats-Unis, vous constaterez que ce sont les comportements individualistes et la réussite personnelle qui prévalent… Dans d’autres contextes, notamment, au Japon, les habitants ont, avant tout, à cœur de se dévouer aux intérêts de leur collectivité… et se soumettent volontiers, avec discipline, aux règles de leur société.

Il vous arrivera aussi d’être entraîné, à certains endroits, dans le jeu et les aventures, par des peuples qui privilégient la liberté et acceptent les risques… Ailleurs, il vous faudra prendre des précautions, remplir des formalités et souscrire à de multiples obligations, car on y recherche la sécurité et évite les incertitudes. Ce qui conduit à formaliser les règles, le droit et les lois.

Ici on vous incitera à prendre des initiatives. C’est souvent le cas dans les pays anglo-saxons, qui glorifient la réussite des meilleurs, mais s’en remettent au pouvoir de la majorité. Ce qui fait que les responsables sont toujours accessibles… et que les expressions d’autosatisfaction ou les manifestations verbales véhémentes y sont assez mal tolérées… Ailleurs, ce qui est déterminant c’est plutôt d’arriver à comprendre de quelles hiérarchies on doit respecter l’autorité. C’est souvent le cas, par exemple, dans les pays latins.

Il existe également des contrées dans lesquelles les gens se comprennent à demi-mot, où on ne vous transmettra que des messages flous, des allusions ou des expressions imagées… et où vous devrez discerner ce qu’on veut vous dire, qui est souvent déterminé par les usages. Certaines cultures se distinguent ainsi par la part de l’implicite dans leurs propos et la mesure dans laquelle elles supportent les ambiguïtés et les incertitudes… Il ne faut pas se méprendre, car, à d’autres endroits, on attendra de vous, inversement, que vous disiez clairement ce que vous souhaitez et pensez, car l’habitude y est de faire en sorte que tout soit explicite.

Il importe aussi de tenir compte que les cultures se distinguent selon leur attitude à l’égard des critiques interpersonnelles et la place qu’y ont les compliments, félicitations et sanctions. Dans certains contextes, vous devrez éviter tout jugement, car les appréciations interpersonnelles sont assez mal acceptées. C’est notamment le cas dans les cultures marquées par le catholicisme, où toute remarque est ressentie comme une accusation de défaillance, ou même de péché… Au contraire, dans les cultures marquées par le protestantisme, les critiques sont acceptées et on attendra même de vous que vous fassiez savoir ce que vous pensez de ce qu’on vous a servi.

Enfin, vous serez parfois ébahis par les comportements des personnes que vous rencontrez car, selon les cultures, les types de personnalité encouragées ou honorées varient beaucoup… A certains endroits, ce sont l’énergie et les activités physiques et sportives qui sont privilégiées… Ici on valorise le dynamisme et le travail. Ailleurs, on accorde de l’importance à la réflexion, aux pauses, aux méditations et aux loisirs… Ici, on accepte ou même on encourage les réactions sensibles ou affectives. Ailleurs, on réprouve toute expression de ses sentiments… A d’autres places, on valorise plutôt l’intellectualisme et l’idéalisme et on est souvent invité à participer à de longues conversations philosophiques… Alors qu’ailleurs les longs discours sont réprouvés et à éviter. Dans ces pays, ce qui souvent est valorisé, c’est plutôt le courage et la persévérance.

Attendez-vous donc, lorsque vous rencontrerez des étrangers, à ce qu’ils ne pensent pas et n’agissent pas comme vous… Et efforcez-vous de comprendre les raisons des différences entre leurs conceptions et pratiques… et celles auxquelles vous êtes accoutumés.

D’où l’importance de multiplier les occasions d’échanger avec ceux qui sont différents de nous.

Cela vous éclairera sur vous-mêmes et ce sera, pour vous, une précieuse source d’enrichissement personnel.

LES DIFFÉRENTES CULTURES

Des causes des incompréhensions entre les Anglais et les autres Européens

Les Européens du continent ont été marqués par leurs racines terriennes. Ils ont parfois des difficultés dans leurs relations avec les peuples aux traditions marchandes et maritimes. C’est ce qu’illustrent les anecdotes citées par Pierre Alain Lemaître dans de « Rencontrer les Autres… cultures autour du monde ».

Il relève d’abord que trois choses frappent d’emblée, dans les contacts avec les Anglais.

Tout d’abord leur attachement à la liberté individuelle, à l’indépendance et, donc, au libéralisme que formalisa Adam Smith à la fin du dix-huitième siècle : on attend de chacun qu’il prenne des initiatives et se débrouille, les obligations sociales et de solidarité étant minimes.

Ensuite leur empirisme, qui fut mis en avant par John Locke (fin du dix-septième siècle) et William James (1842-1910). Les Anglais se réfèrent aux faits concrets et valorisent les observations et expériences pratiques… et rejettent le primat des idées, méprisent les discussions abstraites et se font une gloire de n’être pas des intellectuels.

Enfin leur attitude à l’égard des autres. Leur souci de préserver leur souveraineté fait que les Anglais sont ethnocentriques et considèrent des autres comme des moyens ou des sources d’opportunités. Ils ne peuvent admettre les relations d’interdépendance. Ne dit-on pas : « l’Angleterre n’a pas d’amis ou d’ennemis permanents. Elle n’a que des intérêts durables » ? Souvent, ils sont centrés sur leur propre communauté et ont un sentiment de supériorité manifeste. Ils préfèrent rester entre eux, au sein de leur groupe social et culturel. Cela explique que « les attitudes des Britanniques, les font percevoir comme constamment « distants » … Cette perception est peut-être simplement un effet de leur façon de gérer l’espace. Au Royaume Uni, celui-ci est structuré par l’évitement des contacts corporels, comme l’illustrent les dimensions des fauteuils en cuir des clubs… La proximité physique ne signifie rien. Le fait d’habiter la porte à côté des membres d’une autre famille n’autorise ni à leur rendre visite, ni même à frayer avec eux, par exemple en prenant pour prétexte que leurs enfants sont les camarades de jeux naturels des siens. On ne peut donc établir des rapports avec des Britanniques sur la seule base du voisinage. Chez eux, les rapports sociaux sont fonction non pas des structures spatiales, mais du statut social » (page 141). Cette distanciation se traduit, au Royaume Uni, par une stratification sociale entre des collectivités vivant côte à côte, sans se mélanger, dans des zones distinctes… quasi-castes, qui isolent les ethnies… et séparent les riches et les pauvres.

Ce qui rend les Anglais insupportables, c’est surtout leur non-respect des engagements pris. Des « expériences de collaborations avec des Britanniques permettent de… le comprendre. Leurs comportements reflètent leur histoire et leurs conditions de survie. Ils ont une mentalité de négociants, car ils ont, par le passé, lancé des navires sur les flots. A l’époque, les bateaux revenaient, …ou pas. S’ils ne coulaient pas, c’était la fortune. Mais le risque était immense. Ce qui a justifié la constitution des grandes compagnies d’assurance (Lloyd’s…). C’est sans doute ce qui fait que les Anglais ont pris l’habitude de considérer que, si les conditions changent, le contrat est remis en cause ». Cela correspond aux principes de l’utilitarisme, que prônait Francis Bacon (1561-1626) et qui fut repris par John Stuart Mill (milieu du dix-neuvième siècle). La plupart des Anglais se soucient surtout de leurs propres intérêts, peuvent… admettre de procéder à des tromperies et tricheries… et considèrent que leurs engagements sont réversibles… Ainsi, des démarches manipulatoires pourront, pour des Anglais, démontrer une habileté raffinée d’adaptation rapide, dans les relations commerciales… » (page 133). Pour les Anglais, les duperies font donc partie des règles du jeu, alors que les autres peuvent le percevoir comme étant de la perfidie.

Ainsi, la culture britannique repose, comme celle des Pays Bas d’ailleurs, sur une longue histoire de peuples de commerçants de pays dont la survie et la prospérité ont toujours dépendu de l’étranger et qui établissaient leurs comptoirs marchands sur toutes les côtes du monde…

Ce n’est pas un hasard, si, aujourd’hui, certaines des plus grandes multinationales européennes, telles que Philips, Shell ou Unilever, sont anglo-néerlandaises

Mais, avec les Néerlandais, on est « confronté à une apologie de la négociation et de la recherche du compromis et du consensus. Ils tiennent à ce que leurs avis soient pris en compte dans les décisions de groupe… Pour eux, le bon choix est celui auquel personne ne s’oppose. Ils recherchent donc systématiquement une forme de consensus limité de non refus, d’acceptation par tous de ce qui est envisagé… et non de recherche d’une irréaliste adhésion active… Pour cela, ils mettent l’accent sur la consultation, la concertation, la coopération et le soutien mutuel… Ce qui suppose… que les réunions soient fréquentes et marquées par le désir d’aboutir à un accord, que tous les partenaires aient le sens du dialogue, visent la définition de normes communes, soient prêts à des concessions… et disposés à respecter les décisions prises et en assumer la responsabilité… Cela entraine les Néerlandais à pratiquer l’art de la négociation, les partenaires étant d’accord sur certains principes. Toutes les parties doivent exposer leur point de vue. On dit alors les choses sans détour, avec pragmatisme et rationalité. Puis on tente de parvenir à une solution conciliant les positions des uns et des autres. Ce qui perçu, aux Pays-Bas comme un signe d’ouverture et de souplesse. Le choix arrêté est généralement le fruit de la réflexion rationnelle sur ce qui a la plus grande probabilité de finir par emporter l’assentiment général… Cela fait, « culturellement », des Néerlandais, de redoutables négociateurs, surtout lorsque leurs intérêts financiers personnels sont en cause » (page 145).

Revenons sur les particularités culturelles des Anglais.

Ce qui fait leur charme, c’est leur savoir vivre, leur souci du « style » et même de la « classe », de l’apparence, de la présentation et du « chic » des vêtements, mais aussi des « bonnes manières », de la courtoisie, du raffinement et de la distinction, de l’attitude à la fois sûre d’elle-même et détendue, décontractée, nonchalante, en même temps qu’arrogante, parfois hautaine et cynique, matinée d’autodérision… et de l’originalité allant jusqu’à l’extravagance.

Enfin, ce qui rend les Anglais admirables, c’est leur acceptation des risques, avec flegme, y compris l’éventualité de la mort, leur remarquable sang-froid, en restant imperturbables et leur courage que l’on retrouve dans leur discussions impassibles dans lesquelles ils emploient souvent le vocabulaire de la guerre.

LES DIFFÉRENTES CULTURES

La France, une cohabitation instable, au besoin permanent d’union

Lorsqu’on demande à des étrangers comment ils perçoivent la France, ils disent souvent qu’ils se la représentent comme caractérisée par :

  • un intérêt pour la qualité de la vie, un esprit hédoniste et un « art de vivre », que traduisent notamment l’excellence de son alimentation, l’élégance, le raffinement et le luxe,
  • une habileté verbale, que traduit une propension aux discours brillants,
  • des déférences à l’égard d’une hiérarchie directive… en même temps que d’incessantes réactions de contestation des règles et d’indiscipline,
  • une mise en valeur des réussites individuelles… et une faible prise en considération des intérêts collectifs et du travail coopératif en équipe.

On peut pourtant faire, en France, des constats qui contredisent toutes ces affirmations. C’est sans doute dû au fait qu’il n’y a probablement pas de pays intrinsèquement plus divers que la France. En effet, la France est naturellement une nation composite et plurielle, traversée de multiples clivages, ainsi que Pierre Alain Lemaître montre dans son livre « Rencontrer les Autres… cultures autour du monde ». Il en relève principalement cinq :

Tout d’abord, la France est un pays assez étendu, où la densité de population est suffisamment faible pour avoir laissé se perpétuer des particularités locales. Elle est ainsi une mosaïque de cultures régionales concurrentes, aux racines historiques et aux mœurs très différenciés. Les populations locales ont de forts sentiments d’appartenance à leurs « provinces » et un attachement à leurs usages spécifiques… Face à ce morcellement, les décisions viennent, en France, d’un système politique très centralisé, héritier de la longue histoire de la construction de l’unité nationale. Celle-ci provient, en effet, de l’action d’un pouvoir royal qui a étendu lentement son emprise sur le tissu social. D’où la difficulté à adopter des fonctionnements décentralisant les pouvoirs.

Il y a ainsi, en France, un second clivage, au moins depuis la Révolution, qui résulte de l’opposition entre une élite aristocratique, marquée par le catholicisme et héritière de l’ancien régime, qui cultive encore une valorisation de la noblesse de l’honneur… et un peuple républicain, révolutionnaire et défenseur de la laïcité, dont le comportement est souvent caractérisé par l’indocilité et la contestation. D’où des relations pyramidales hiérarchiques descendantes, inspirées de l’église catholique et de l’armée. Il en résulte une domination par une élite politique et économique parisienne, relayée par une Administration toute-puissante, souvent bureaucratique. Cette élite constitue un milieu fermé, demeurant principalement dans l’ouest parisien. C’est attesté par le fait que 63 % des personnes citées dans le « Who’s Who », sont natifs des beaux quartiers de la capitale et de Neuilly. Leurs enfants sont incités à suivre les « grandes écoles » prestigieuses (de Polytechnique, créée par Napoléon, jusqu’à l’E.N.A., école constituée après la seconde Guerre Mondiale, afin de faciliter l’accès populaire à la haute fonction publique !). Face à cette élite, le peuple se complait constamment à râler, protester, se plaindre, transgresser les règles et manifester, ce qui induit une obsession de la paix sociale.

Cependant, la France est aussi un pays ouvert au monde et qui s’intéresse à l’étranger, dont l’identité a été forgée par des apports extérieurs. Elle se veut une terre d’asile et a toujours accueilli des migrants, provenant d’autres pays et continents. Ce qui fait qu’elle s’est construite sur des vagues successives. Ainsi, entre la fin du dix-neuvième siècle et les années 1920, la France était le premier des pays d’immigration, avant les Etats-Unis. Pendant cent ans, de 1870 à 1970, la moitié de son accroissement démographique a résulté de « francisations ». La France est ainsi aujourd’hui, pour une large part, un peuple de descendants de l’étranger. Actuellement, un quart de la population française a des parents ou grands-parents étrangers. La France a, ainsi, des fondements cosmopolites. Sa culture est marquée par une volonté d’intégration. Chacun peut y rester lui-même, à condition d’adhérer à un modèle, fondé sur l’éducation, qui prône le respect de la cohabitation entre les diverses identités.

Le quatrième clivage sociologique de la société française, c’est la distinction et l’opposition entre la France fière de ses origines campagnardes… et les collectivités urbanisées. Jusqu’au milieu du vingtième siècle, la France, pays riche de ses terroirs et gâté par la nature, était majoritairement rural, l’un des plus agricoles des pays occidentaux. Les cultivateurs constituaient la majorité de la population… Le bouleversement d’urbanisation a été amorcé par l’épouvantable saignée de la Première Guerre mondiale et s’est poursuivi, après la seconde guerre mondiale, avec l’exode rural. Il reste cependant bien des traces de ces racines, car il y a, dans l’esprit de la plupart des Français, un paysan qui sommeille, dont la culture traditionnelle persiste à avoir une résonance émotionnelle profonde. Elle est le fondement de la morale du dynamisme, de l’énergie et de l’effort, de l’intelligence pratique et du bon sens… Mais elle explique des tendances qui préparent mal les Français aux économies libérales modernes, notamment l’attitude défensive méfiante à l’égard de l’argent.

Une cinquième fracture territoriale a émergé ces dernières années, entre la partie de la population demeurant dans les grandes agglomérations… et la France dispersée des villages et villes moyennes… Il a été accru par l’éloignement des classes moyennes, repoussées des villes par l’augmentation des prix de l’immobilier. Un quart de la population vit ainsi dans les territoires des périphéries urbaines et de la campagne. Ce qui les rend dépendants des capacités de déplacement, donc de la voiture. Ils souffrent de la stagnation et de la précarisation de leur situation, ne maîtrisent pas la concurrence internationale à laquelle ils sont confrontées et se sentent menacés par la mondialisation et délaissés… et sont préoccupés par la défense de leurs propres intérêts. Leurs préoccupations s’opposent à celles des habitants des grandes villes et de leurs banlieues, souvent plus éduqués, qui sont plus ouverts aux compétitions mondiales.

La majorité des Français vivent ainsi une superposition d’appartenances à plusieurs groupes. Ne peut-on pas, par exemple, être descendant d’agriculteurs, attaché à la terre où l’on a vécu enfant, fils d’instituteurs défenseurs de la République laïque, marié à quelqu’un issu d’une famille d’immigrés, domicilié dans la région parisienne… et formateur ayant eu à conduire, entre 1971 et 2016, des actions d’étude, de conseil et de formation dans plus de 70 villes françaises de l’hexagone et d’outre-mer… et à l’international ?

Dans un tel contexte, chacun doit organiser la coexistence de ses multiples identités personnelles… et les antagonismes sont inévitables, source de de discordes et de divisions…

Cependant, la majorité des Français partagent quelques valeurs, qui fondent leur cohésion :

  • l’adhésion simultanée aux valeurs contradictoires de la liberté et de l’égalité ;
  • un obsédant besoin de sécurité et évitement des risques, recherche de stabilité et de protections, formalisation de règles écrites… et exigence d’avantages personnels irréversibles ;
  • la mise en avant de l’éducation scientifique, des conceptions intellectuelles idéalistes, de la logique, de la raison, des mathématiques, de l’abstraction, des théories et de l’esprit critique.

La plupart des Français partagent également la valorisation de l’intuition, de l’originalité, de l’imagination, de l’inventivité, de la créativité et de l’improvisation… Cette tendance repose sur leur non-conformisme, qui valorise la propension à penser de travers… Elle induit, chez les Français, une attitude paradoxale à l’égard du changement, de la flexibilité et de l’innovation.

LES DIFFÉRENTES CULTURES

Dévoiler les spécificités des cultures arabes

Nous lisons trop souvent des critiques simplistes des mentalités des Arabes. Dans « Rencontrer les Autres… cultures du monde », que Pierre Alain Lemaître vient de publier aux éditions Cleyriane, celui-ci cite ses expériences éclairantes de difficultés dans les coopérations avec eux.

Il est, tout d’abord, indispensable de ne pas interpréter à tort les comportements des autres. « La première fois que je suis intervenu au Maroc, pour une grande entreprise, très moderne et dirigée par des cadres formés aux Etats-Unis, j’ai été choqué que mes interlocuteurs me touchent physiquement le bras à longueur de journée. Je ressentais ce contact comme intrusif et ambigu. J’avais presque l’impression qu’ils avaient des intentions déplacées à mon encontre… Plus simplement, c’était que l’espace confortable était plus réduit pour mes interlocuteurs que pour moi… Dans les pays arabes, il est admis de se toucher… On peut même de se tenir par la main, entre hommes. Je l’ai souvent constaté en Turquie » (page 58).

« Corrélativement, le temps est dilaté, en Orient. Les discussions s’y prolongent, au cours desquelles on parle interminablement de tout autre chose que de l’objet de la rencontre. L’Occidental a l’impression de perdre son temps… et en vient à critiquer « l’irrécupérable inefficacité de ce continent ». Je fus ainsi stupéfait, quand, venu négocier un projet dans un pays arabe, les réunions imprévues se multiplièrent. J’avais constamment l’impression qu’on « tournait autour du pot ». On parlait de tout, des beautés de la nature dans les différentes régions du pays, des traditions locales en architecture, des bijoux, des tapis, des broderies, des relations familiales et de l’éducation des enfants, de l’avenir du monde… comme pour faire preuve d’une grande culture personnelle, …mais on n’y disait jamais rien du dossier que j’avais envoyé, sur lequel des décisions étaient à prendre. Je devais téléphoner tous les jours à Paris pour annoncer la prolongation de mon séjour… et faire décaler l’horaire de la réservation de mon avion de retour… Jusqu’au jour où mes interlocuteurs m’annoncèrent brusquement, à ma grande surprise, leur accord pour ce que j’avais proposé, alors qu’il n’en avait guère été, jusques là, débattu. Le mûrissement des convictions s’était opéré en sous-terrain… Il m’a fallu du temps pour m’apercevoir que cette gestion du temps… correspond, en fait, à un processus de décision différent de celui pratiqué dans les pays « développés ». Comme je l’ai démontré dans l’ouvrage que j’ai publié sur « La Décision », dans l’étude d’un « dossier », leur jugement n’est pas fondé sur la qualité des propositions écrites qui ont été faites. Celles-ci sont considérées comme secondaires, car n’étant que le reflet de la capacité à rédiger une offre alléchante. Il ne s’agit donc pas, comme en Occident, d’en peser les « pour » et les « contre » … Pour se forger une conviction quant au bien-fondé de faire affaire, on s’efforce donc plutôt d’évaluer la viabilité à moyen terme de ce qui est envisagé… De quoi qu’il s’agisse, ce qui estimé déterminant, c’est alors de juger les compétences du partenaire, son engagement personnel, sa loyauté… et ses capacités à assumer un éventuel échec. Cela suppose de tester la crédibilité, la volonté, les intentions positives, la réalité de la conviction et les capacités de ses interlocuteurs. Il est donc nécessaire de consacrer du temps pour apprendre à les connaître. Ce qui requiert de multiples rencontres… Ce processus de choix n’est pas moins efficace, puisque la qualité des décisions prises n’est pas inférieure… Généralement, les Arabes donnent donc l’impression d’avoir beaucoup de temps et d’être tranquilles. D’ailleurs, avec eux, les attentes de ceux qui arrivent en retard ne sont pas rares. Leurs proverbes en témoignent : « Marche lentement pour arriver rapidement »… On vous jugera donc sur votre patience » (pages 58/59).

« On ne comprend les sociétés arabes qu’en tenant compte que la religion pèse énormément… Pour les musulmans, le Coran n’a pas d’autre auteur que Dieu. C’est Son verbe incarné et éternel, ce qui fait dire qu’il est « incréé », donc intouchable. Il s’apprend par cœur et on ne peut pas le critiquer. Pour l’Islam… il n’y a qu’une seule loi, celle révélée par Dieu » (page 62).

« La religion a, ainsi, induit une forte différenciation des rôles et des positions entre les hommes et les femmes, dans les communautés arabo-musulmanes. Cela tient à la place du père, de son autorité et de la puissance masculine, dans l’Islam… Dans la plupart des pays arabes, ce qui est mâle est valorisé, cela provient du rapport entre le viril et le désert, milieu hostile, où la gloire de survivre affronte la précarité et la rareté, ce qui impose la violence héroïque et la manifestation de la puissance » (page 64).

Il importe donc de tenir compte de l’histoire du monde arabe : « Entre 650 et 750, ils avaient conquis et dominé tout le Moyen-Orient et constitué un empire qui allait de l’Espagne et du Maghreb, jusqu’à l’Asie Centrale… et l’Indus et incluait l’Egypte, la Palestine, la Syrie et la Mésopotamie, conquise aux dépends des Perses. A cette époque, des caravaniers et commerçants arabes apportaient, de Chine et d’Inde, des denrées précieuses désirées par l’Occident. Ils faisaient une synthèse féconde des savoirs persans et indiens et chinois… et assimilaient et retransmettaient aussi la culture des grecs et des romains. Entre 750 et 850, Bagdad était le centre du monde, d’où le Calife Haroun al-Rachid (766-809) promouvait un Islam tolérant. A cette apogée, la civilisation arabe, dominait tous les domaines de la connaissance, était plus brillante et raffinée intellectuellement que celle de l’Occident chrétien, tandis que l’Europe traversait une période d’obscurantisme. Cette prééminence du monde musulman durait encore au douzième siècle… L’affaiblissement apparut… en 1258 (avec) l’entrée des mongols à Bagdad. Puis ce fut la chute de Grenade, au quinzième siècle et l’échec de la bataille navale de Lépante de 1571, entre les turcs et la flotte vénitienne et espagnole, organisée par le pape… Compte tenu de leur perte de terrain, au cours des derniers siècles, après un passé glorieux, les Arabes peuvent avoir un sentiment d’injustice. On peut comprendre qu’ils aient souffert d’avoir été dominés et de constater que leurs qualités sont méconnues…

Il est compréhensible qu’étant héritiers d’une grande civilisation et façonnés par une adhésion majoritaire à la religion exigeante qu’est l’Islam, les Arabes soient d’une fierté qu’il est impératif de respecter. Ils sont sensibles à l’honneur et la dignité » (page 63).

Cela se combine avec le fait que les Arabes ont aussi une expertise relationnelle à laquelle il convient d’être attentif : « Leur accueil est… d’une grande douceur et urbanité. Au premier contact, ils sont habituellement aimables et cordiaux, avec un regard bienveillant et une communication apaisante, d’une apparente simplicité. En même temps, ils vous dévisagent » (page 60). En effet, « les Arabes sont imprégnés d’un goût pour le commerce et d’un savoir-faire et talent habile de marchands, issus de siècles d’expériences… On s’attendra donc à de longs marchandages… et on se méfiera de l’expertise mercantile de ses partenaires… Il ne faut pas s’étonner, si les chiffres cités sont surestimés ou même gonflés. Tromper son interlocuteur fait partie du jeu… On n’hésitera pas à négocier les prix… Si on ne les discute pas, c’est d’ailleurs interprété comme un manque d’intérêt… et plutôt mal vécu… Il sera normal que son interlocuteur se plaigne et réclame des avantages… et il faudra savoir se montrer reconnaissant… L’argent est considéré par les Arabes comme un serviteur » (page 62).

LES DIFFÉRENTES CULTURES

Les étonnantes particularités des cultures indiennes

Pierre Alain Lemaître a, « pendant plus de quinze ans… été membre du Conseil d’Administration d’une association… qui assurait la distribution en Europe de tableaux brodés à Pondichéry, par des femmes pauvres, employées par un Atelier, créé en 1970… Ce qui l’a conduit à faire, depuis 2007, des séjours répétés en Inde » (page 71). Dans son livre, « Comprendre les Autres… cultures du monde », il évoque sa perception de l’Inde du sud.

 

Un extraordinaire souci du beau : « En Inde… dès qu’on arrive, on est fasciné de voir « des charrettes tirées par des bœufs aux cornes agrémentées de peintures » … « des barques de pêche peintes, des villages protégés par des effigies grimaçantes… et des temples décorés d’une profusion de sculptures » et de fresques, ainsi que de splendides jardins… et parcs arborés luxuriants… D’une élégance naturelle, les Indiennes « portent avec grâce de superbes saris, de somptueux colliers de fleurs et des bijoux et sont impeccablement peignées ». Ce souci de la beauté et ce soin qu’elles mettent à se vêtir reflètent qu’« à côté de leur pauvreté et pour la compenser, c’est une façon d’affirmer leur dignité, qui donne du sens à leur vie »… On assiste en Inde à des… musiques et danses savantes, particulièrement complexes… En Inde du sud, les femmes dessinent, tous les matins… sur le sol…, au seuil de leurs maisons, avec des poudres de couleurs vives, de superbes dessins… éphémères, car piétinés et effacés dans les heures qui suivent… et devront être recommencés le lendemain » (pages 80 et 81).

 

L’affirmation des différences et la persistance des castes : En même temps, l’Inde est caractérisée par « le très fort enrichissement des plus riches et l’extrême pauvreté des plus démunis… dans une société très hiérarchisée… La société indienne reste stratifiée entre des groupes aux fonctions différentes et relations asymétriques. Les Védas… distinguaient les… castes composant la société, qui assument des rôles complémentaires : ceux qui prient, ceux qui règnent, ceux qui produisent et ceux qui servent… Les dalits, ou intouchables, effectuent ce qui est jugé impur… qui se rapporte aux ordures, ou à la mort… Les Indiens en restent profondément marqués. Je me souviens par exemple, de cette jeune fille de famille bourgeoise, instruite et éduquée, reçue dans une famille française, qui paraît révulsée en voyant la maitresse de maison faire la vaisselle et qui s’échappe devant un torchon qu’on lui tend gentiment, en disant « il y a des gens pour ça ». Cela induit une séparation, mais aussi une interdépendance entre les groupes sociaux… Pour préserver l’ordre du monde cosmique et social (dharma), chaque groupe doit agir selon les règles qui lui sont propres… Les castes… ont ainsi assuré… la cohabitation entre les communautés…  Cela contribue à rendre supportable » la pauvreté (page 76). Ainsi, « les enfants apprennent, dès l’enfance, les implications de leur position…, leurs obligations envers ceux qui sont « au-dessus », mais aussi envers ceux du « dessous », au bien-être desquels ils doivent veiller, en contrepartie de leur droit d’être obéi… » (page 72).

 

Plus globalement, l’Inde c’est le pays du complexe où tout est vrai y compris son contraire.

 

Une perception du temps en boucle y influence l’attitude à l’égard de la vie. Les Indiens « considèrent le temps comme circulaire… Le commencement est aussi la fin… et réciproquement (cf. l’impossible antériorité entre la poule et l’œuf). C’est le temps de la roue qui tourne… Fondamentalement, les Indiens ont une conception… du temps… distinguant création, continuation et disparition, ou transformation. Avec cette perception du temps…, leur pensée est fondée sur le principe de la métamorphose, suivant le cycle terrible de la mort et de la réincarnation (ou Samsara) … Cela condamne à revivre, après son décès, sous une autre forme, humaine ou animale. On évolue, au fil des vies, selon son Karma (somme des actes… commis… dans des vies antérieures, qui détermine ses joies et ses souffrances, dans ses vies ultérieures). Si ses existences ont été positives, on atteint la délivrance du Nirvana, sorte d’état de grâce… caractérisé par la dissolution du moi individuel illusoire… On devient un pur esprit que plus aucune passion ne tourmente… et l’être ne souffre plus, car il a abandonné sa raison d’être. Avec cette croyance, on peut être patient… La mort est de peu d’importance. (Pourtant), la réincarnation suppose un respect du vivant, qui peut être un proche. Pour les Indiens, il importe donc de s’abstenir de tuer quelque être que ce soit, donc de protéger les animaux… Au quotidien, cela conduit à l’adoption de principes de respect de la vie et de la nature, d’une nourriture végétarienne… d’une existence frugale et ascétique » (pages 73 et 74).

 

L’Inde c’est aussi des préoccupations matérielles continuelles, dans une civilisation multimillénaire marquée par la spiritualité. « La majorité des Indiens considèrent que leur destinée terrestre, inégalités et injustices comprises, est entre les mains des dieux. Ils croient à l’existence de forces mystérieuses… dont il faut apprendre à se défendre. Les pratiques de ferveur, de dévotion ou même d’adoration sont fréquentes. D’où l’importance, pour bien des Indiens, des rituels de purification, pour se protéger des calamités (mantras), ou pour honorer les esprits des morts. On croise ainsi, sur les routes, des milliers d’hommes en pèlerinage … Comme si… il fallait… faire preuve de ferveur et se mettre sous la protection des dieux » (page 73). « La spiritualité, en Inde, n’est pas que religieuse. Elle imprègne tout. Ainsi les dessinateurs et les brodeuses… de Pondichéry… étaient-ils « incapables d’élaborer des tableaux qui ne soient que visuellement superbes. Il fallait qu’ils véhiculent… un message » … Ainsi, le jaune est là pour apporter de la joie, car c’est la couleur du bonheur, la fleur de Lotus marque à la fois l’amour et la pureté, l’éléphant représente la sagesse, l’intelligence et la paix… et le perroquet incarne le porte-parole, le messager, le traducteur » (page 80).

 

Enfin, l’Inde est caractérisée par un dynamisme prodigieux… et désintéressé. « La formidable vitalité et l’indomptable énergie…dont les Indiens font preuve, se traduisent par… une agitation constante, manifestée par la multiplication des klaxons stridents …et un désordre continuel » (page 79). « La plupart des Indiens… valorisent l’innovation et la modernisation… font beaucoup d’efforts et sont très persévérants et obstinés, ce qui fait que souvent, en affaires, ils ne lâchent rien » (page 80). Mais, « en Inde, cette activité intense est souvent sans passion. Les Indiens… croient à la supériorité du détachement (du Brahmane). Seule l’action librement accomplie sans passion et sans haine, en se désintéressant de son fruit, est « sattva » (pure et lumineuse) » (page 80). Cependant, « on ne peut qu’admirer… le pragmatisme des Indiens… afin d’économiser les moyens et faire mieux, avec moins. Face à la pénurie, ils ont dû apprendre à créer des approches « frugales » (peu « coûteuses »), rapides et faciles à mettre en œuvre… ou « Juggad ». Tout ce qu’ils développaient devait être très abordable, pour être profitable au plus grand nombre. Cela les a obligés à faire preuve d’ingéniosité pour trouver des solutions utilisant des moyens simples, souvent de recyclage… Encore fallait-il que ces solutions, soient durables, donc… flexibles et évolutives. Ils durent faire preuve d’une admirable débrouillardise, d’une solide confiance en eux-mêmes et d’une grande capacité à coopérer… » (page 81).

 

LES DIFFÉRENTES CULTURES

Dépassons nos préjugés concernant les Américains

Nous avons bien des idées préconçues, parfois fausses, sur la culture des Américains. Pour mieux comprendre celles-ci, nous pouvons nous référer aux expériences de travail en Amérique du nord que cite Pierre Alain Lemaître dans « Comprendre les Autres… cultures du monde » (éditions Cleyriane).

Pierre Alain Lemaître a d’abord constaté qu’« une des valeurs déterminantes de la culture américaine est l’apologie de la liberté, la croyance dans les capacités des individus à prendre des initiatives… C’est toute l’histoire d’une société de pionniers… Le mythe fondateur des Etats-Unis est la ruée pour la conquête de l’Ouest, sans foi ni loi, qui exalte la capacité à se suffire à soi-même et glorifie le succès individuel… et la réussite de celui qui s’est fait tout seul (« self-made man »). Pour les Américains, l’important est d’essayer, jusqu’au succès… Ils ont le goût du… « challenge » et sont prêts à prendre des risques… leurs rétributions étant largement fondées sur les résultats individuels… Ils reconnaissent… les rivalités et, donc, la compétition » (page 35).

Dans « Comprendre les Autres… cultures du monde », Pierre Alain Lemaître note que cette dynamique individuelle est pragmatique : « La coopération avec des Américains m’a… appris qu’un principe fondateur de leur culture est l’empirisme, le réalisme… La plupart d’entre eux ne supportent pas l’intellectuel, le conceptuel et les abstractions. Beaucoup sont peu sensibles à l’idéalisme… et ne s’intéressent qu’aux faits et à l’action. Ce qui conduit au caractère informel et ouvert de leurs méthodes de travail. Ils acceptent tout, du moment que cela fonctionne… et ils parlent souvent en termes simples… sans faire étalage de références culturelles… quitte à paraître incultes… Certains disent même parfois « je ne sais pas », alors qu’ils savent, pour donner une impression de franchise, d’ingénuité et d’honnêteté… Ainsi, ce que les Américains considèrent comme positif, c’est le factuel, le mesurable, les solutions… Cette focalisation sur les résultats les conduit habituellement à se préoccuper avant tout de l’immédiat… Cela correspond à une culture qui valorise le présent, s’intéresse peu au passé et considère que, pour l’avenir, on verra bien… On vit dans l’instant, on s’intéresse peu aux références… et on est entraîné dans une course en avant permanente… Le souci du pécuniaire entraîne alors une recherche du rendement à court terme » (page 29).

D’où une tendance à valoriser la réussite matérielle et l’avoir : « Une autre chose frappante… avec des Américains, c’est l’importance, pour eux, des aspects… pécuniaires… Ils sont constamment soucieux… du gain. D’où la focalisation sur les signes monétaires de succès et la recherche continuelle de la rentabilité… Ainsi est-il habituel, quand on rencontre un Américain, qu’il évoque… ce qu’il gagne… D’autant plus qu’il existe souvent un lien étroit entre les résultats… et les salaires… Ce qui induit d’ailleurs un enrichissement des plus riches et un appauvrissement des plus pauvres. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que les Etats-Unis soit le pays au plus fort écart entre eux…. Cela fait que le terrain de prédilection des Américains est le monde… du « business », dans la patrie du libéralisme » (page 31).

Tout ceci s’inscrit dans une logique de contrat : « Peu de temps après avoir commencé à travailler au Canada, j’ai été très surpris en constatant une réaction… de mon patron. Il m’avait confié une certaine responsabilité… et, une fin d’après-midi, il me convoque et me demande… si je n’estime pas qu’il m’aurait attribué une tâche trop difficile pour moi. Est-ce que je ne me sentirais pas un peu dépassé par mes fonctions ? … Cette question me vexe. Je lui demandais alors ce qui lui fait douter ainsi de mes capacités. Devant ma réaction offusquée, il m’expliqua qu’il avait constaté que je restais tous les soirs jusqu’à après 18 heures 30, alors que l’heure programmée pour la fin du travail était 17 heures 30… Pour lui, j’étais censé obtenir les résultats attendus de moi, sans dépasser le temps qu’il est prévu de consacrer au travail. Il pensait donc naturellement que ma charge était trop lourde pour moi. Ne pas être assez efficace pour s’en sortir en respectant, la plupart du temps, les horaires normaux, était considéré, par lui, comme un signe d’incapacité !… J’ai souvent constaté, ainsi, qu’en Amérique du nord, on se réfère aux… objectifs à atteindre et moyens alloués » (page 25 et 26).

Ce contexte ouvre bien des opportunités : « En travaillant avec des Américains, on découvre… très vite qu’ils exigent des performances, encouragent la concurrence interindividuelle, accordent à chacun de larges possibilités de réussite… et récompensent les succès personnels… Tout le monde peut accéder à un poste de responsabilité avant 30 ans » (page 32). Mais cela suppose, « pour en profiter, d’avoir des capacités et une forme hors pair, se tuer à la tâche… et ne prendre que des vacances courtes » (page 33).

Tout ce système repose sur la place centrale de la consommation : « Lors de mon premier séjour américain… quelques jours après mon arrivée, je croisais une voisine qui revenait du supermarché avec trois parapluies. Dans la conversation, je lui dis que je ne savais pas qu’elle n’avait aucun parapluie. Elle me répondit alors qu’elle en avait déjà cinq, mais que les parapluies étaient actuellement en promotion et qu’il fallait en profiter ! Elle vivait avec son mari et ses deux enfants. Où était le besoin d’avoir deux parapluies par personne ? Par la suite, j’ai constaté bien des fois, cette incitation à la dépense pour des acquisitions superflues, sans référence préalable à l’utilité de l’achat. Cela me heurtait, car… issu d’une tradition paysanne, renforcée par les privations de la guerre, en Europe, je ressentais ça comme contraire au souci de tout économiser par précaution qui m’avait été enseigné. J’ai alors pris conscience que le fonctionnement et la croissance de l’économie de marché libérale nord-américaine sont fondés sur… les promotions commerciales et la recherche… des opportunités de bonnes affaires, en profitant des occasions passagères, quels que soient ses besoins réels. Le marketing suscite des envies et pousse à acheter tous les produits, en faisant en sorte de rendre indispensable l’inutile, ou ce qui répond à des besoins créés artificiellement. C’est ce qui induit la multiplication des centres commerciaux et banlieues… qui caractérisent les paysages américains. Les achats y sont provoqués par la publicité… On se défoule dans le shopping et on est rapidement suréquipé, …ou frustré de n’avoir pas les moyens d’acquérir tout ce qu’on désire, parfois uniquement parce que c’est une preuve… de sa réussite personnelle. Comme si le fait d’avoir plus, était protecteur ! » (page 28).

La pression concurrentielle est contrebalancée par un impératif d’intégration, car, « pour les Américains, on se doit d’être… accessible. Ils ressentent l’obligation d’établir avec les autres des contacts amicaux… Demandez un renseignement dans la rue… et on vous accompagnera… Arrivez habiter dans une ville et… vos voisins viendront, souriants, vous proposer leur aide. La familiarité est immédiate. Dès les premiers contacts, on constate, qu’après une présentation brève, on se fait très vite des « amis » … Ne vous étonnez pas que les gens que vous rencontrez vous appellent rapidement par votre prénom… Pour les Américains, refuser de parler à une personne qui se trouve dans la même pièce… est d’une extrême grossièreté… et est le signe évident d’une hostilité, ou d’un profond mécontentement… » (pages 26 et 27). Cependant, « il m’est arrivé de rester la main tendue, face à des interlocuteurs pour qui le « shake hands » ne se pratique que dans des circonstances exceptionnelles… Cela correspond à la perception de l’espace des Américains. Pour eux, il convient de garder ses distances… et on ne touche pas les autres… Même visuellement, la coutume veut qu’on ne regarde jamais les autres fixement. En particulier, on ne porte pas les yeux sur les femmes. Dans le cours d’une conversation, le regard des Américains vagabonde donc souvent autour des interlocuteurs… » (page 26). « Ne croyez pas que… ces attitudes cordiales correspondent à une attention humaine chaleureuse et profonde. La liberté laissée à l’autre prévaut sur l’attention qu’on lui porte… En Amérique, on est habituellement convivial de façon superficielle, tout en n’établissant aucune relation profonde, qui engage durablement » (page 28).

Tout cela aboutit à ce que « l’une des principales caractéristiques de la culture américaine est la propension à la violence. C’est abondamment illustré par le cinéma américain, des bagarreurs des westerns, aux thrillers, aux extra-terrestres et aux superhéros… et renforcé par le droit de chaque citoyen américain de détenir et porter des armes, garanti par le deuxième amendement… Le résultat c’est la brutalité de la culture américaine, de nombreux meurtres, règlements de comptes sanglants et assassinats d’hommes politiques, une imprégnation par des craintes et une obsession de la sécurité » (page 40).