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Compréhension interculturelle

Vers la reconnaissance des valeurs de la culture commune aux Européens

Dans sa réflexion sur l’Europe, Jean Monnet disait : « A refaire, je commencerais par la culture ».  En effet, l’action de l’Europe se heurte au fait qu’en sus des divergences entre les intérêts des différents pays, les Européens ne ressentent pas avoir une identité culturelle homogène. Actuellement, la citoyenneté européenne n’existe pas réellement dans les esprits. Or, un projet européen fédérateur ne peut aboutir que s’il est soutenu par un sentiment populaire d’appartenir à une même communauté de destin. C’est possible, à condition d’aller au-delà du préambule du traité constitutionnel actuel qui évoque pourtant déjà « les héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe ». Il reste à développer et préciser ce qui unit les Européens.

 

Aujourd’hui, l’Europe est un rassemblement politique bâti, après 1950, sur une complémentarité économique autour des marchés, dans le but de pérenniser la paix entre les nations européennes. L’U.E. a bien progressé depuis, sur la coopération entre Allemands et Français, avec la suppression des frontières intérieures en Europe, puis l’adoption, en 1998, d’une monnaie commune. Mais il reste beaucoup à faire pour une harmonisation économique, salariale, sociale et fiscale et surtout pour l’affirmation d’une union indépendante, capable de défendre ses positions, face à des Etats tels que les U.S.A., la Chine ou la Russie, ou même face aux puissances financières mondiales. Il faut, pour cela, que l’U.E. clarifie ses intérêts et valeurs communs et désigne un homme (ou une femme) fort(e), responsables des Affaires Etrangères, qui soit capable d’affirmer de façon crédible, les choix de sa politique internationale, ce qui suppose que soient définies, en amont, des orientations partagées.

 

Mais l’Union entre les Etats européens se heurte au fait que l’Europe est traversée de différences culturelles, divergences et même divisions entre les nations, qui mettent souvent en avant le respect de leurs propres intérêts et traditions.

Parmi les multiples facteurs de division, on peut ainsi relever :

– la difficile conciliation entre la cohésion nécessaire des grands ensembles et le besoin de petites collectivités d’affirmer leurs identités spécifiques, avec le souci exacerbé qu’ont parfois les peuples de « disposer d’eux-mêmes » (cf. éclatements de la Tchécoslovaquie et de la fédération yougoslave entre Croatie et Slovénie, à majorité catholiques, Macédoine, Serbie et Monténégro, à majorités orthodoxes et Bosnie, Kosovo et Albanie, à majorité musulmane) ;

– le poids d’aspects religieux, qui vont de l’opposition ancienne entre catholiques et protestants (qui a été en France jusqu’à la Saint Barthélemy, en 1572) et de la résurgence de manifestations d’antisémitisme, jusqu’à la prise en compte de demandes de pays d’Europe de l’Est reliés aux Balkans, à majorité chrétienne orthodoxe (Roumanie, Bulgarie et Grèce), ou de la pression de catholiques d’Europe de l’est, pour le soutien du clergé traditionaliste et sa morale restrictive. Ils opposent ainsi le « droit naturel » de l’homme, qui « est religieux par nature », aux « droits de l’homme » et refusent le relativisme moral des libéraux, qu’ils accusent de « détruire la famille et la religion » ;

– parfois le souvenir d’antagonismes profonds et conflits passés entre les autocrates qui dirigeaient alors les pays européens (cf. guerre de 100 ans, de 1337 à 1453). Cela peut susciter des craintes d’une reviviscence d’un impérialisme hérité du Saint empire (en 800) et de Charles Quint (en 1519), jusqu’à une reprise d’un pangermanisme, suite à une réunification de l’Allemagne, qui entraîne sa domination du commerce intra-européen ;

– des visions de la nation qui vont de l’autoritarisme latin, à la décentralisation et recherche du consensus… et de la décentralisation allemande, au centralisme, parfois perçu comme pouvant provoquer le retour d’un nationalisme virulent ;

– des perceptions différentes d’aspects culturels et sociaux, par exemple concernant les rôles respectifs des hommes et des femmes ;

– des restes de convictions politiques antagonistes, entre d’une part des critiques révolutionnaires et, à l’opposé, des royalistes conservateurs, tous les peuples européens étant partagés entre maintien des acquis et stabilité… et volontés d’évolution. De telles tensions sont de nature à entraîner des oppositions, certains allant jusqu’à considérer que les Lumières et la Révolution française peuvent être à la source des régimes totalitaires ;

– des désaccords sur des aspects économiques, par exemple sur le poids accordé au matérialisme capitaliste, ou sur la maîtrise des dépenses et le niveau de déficit public acceptable, pour des pays tels que l’Allemagne, encore traumatisée par sa faillite, après la crise de 1929 ;

– l’articulation complexe entre des identités régionales hétérogènes, de plus en plus affirmées (Catalogne, Flamands, Wallons, pays basque, Lombards, etc.).

 

Pourtant, sans qu’ils en soient toujours conscients, les Européens ont une civilisation commune, des compétences et des pratiques similaires dans bien des domaines et, dans une large mesure, les mêmes conceptions de la société.

 

La préservation d’une solidarité européenne et la défense d’une politique commune répondant aux intérêts communs et dépassant les conflits d’intérêts entre Etats est donc primordiale. Elle suppose la formation d’une conscience nationale et le renforcement d’un patriotisme continental européen, pour lesquels une communion de pensée est nécessaire. Une communauté politique soudée suppose un imaginaire en commun, ce qui passe par la formalisation d’une légende partagée. « Pour que les Européens arrivent à souhaiter coopérer et se mobiliser pour l’Europe, il faut qu’ils puissent se référer à un récit national qui les relie. Les Européens peuvent tabler, pour cela, sur des convergences fortes entre leurs convictions et valeurs fondamentales. Après tout, l’Europe est l’origine de la culture occidentale, un modèle à la fois libéral et social. N’est-elle pas le berceau de l’humanisme, de la démocratie, des droits de l’homme, de la liberté politique et d’expression, de l’égalité des droits, de l’indépendance de la justice, de la tolérance et du droit d’asile, ce qui a inspiré tant de sociétés ?

 

L’union entre les Européens part ainsi des racines de leur Histoire largement commune (poids du passé partagé). On peut distinguer ainsi 9 grandes étapes :

 

  1. Le sentiment européen a été influencé par l’Empire Romain antique (4 premiers siècles de notre ère), centralisé, qui fait des « citoyens » des hommes libres, qui ont hérité de la pensée latine, porteuse des lois du droit écrit, fondement de la sécurité et de l’ordre public.

 

  1. Mais l’Europe est aussi le fruit des siècles « cap à l’ouest » des populations humaines, longtemps arrêtées par l’océan. Elle a été, ainsi, imprégnée par un vaste mouvement migratoire, qui s’est étalé de la préhistoire au début du Moyen Age, période des invasions de barbares: depuis les goths, qui franchirent le Danube en 376, avant que les frontières du Rhin ne cèdent à partir de 406, ouvrant la voie à plusieurs vagues successives. Ils apportèrent une culture orale de mobilité, de fragmentation des groupes et structures sociales différenciées verticalement, de valorisation de la force et promotion du courage, de flexibilité et capacité d’adaptation.

 

  1. Puis les Européens s’imprégnèrent de la mentalité chrétienne néoplatonicienne de Saint Augustin (Augustin d’Hippone), philosophe et théologien chrétien romain d’Algérie (354-430), qui articulait l’étude de la Bible et la foi, avec la raison, ouvrant la voie à la domination de l’Église catholique, institution supranationale non territoriale, gardienne de normes et d’obligations morales communes.

 

  1. Toutefois, entre le 8ième et le 12ième siècles, la culture européenne fut aussi, imperceptiblement, influencée par la culture arabo-musulmane

– des califes de l’empire abbasside de Bagdad, dont les commerçants ont transmis en Europe les connaissances des Chinois et des Indiens (papier, poudre à canon, boussole, chiffres « arabes » …) et apporté des savoirs approfondis notamment en astronomie et médecine ;

– y compris l’algèbre d’Al-Khwârizmi, ouzbek né vers 780 ;

–      puis par les connaissances transmises par Avicenne et Averroes qui, entre 980 et 1200, ont diffusé la pensée des philosophes grecs de l’antiquité tels qu’Aristote (500 ans avant J.-C.).

 

  1. A partir du douzième et du treizième siècle, le Moyen Age provoqua l’émergence, en Europe, de sentiments de communauté de destin et d’un appétit de savoir et de l’élaboration d’œuvres communes, dont témoignent les œuvres aux architectures magnifiques que sont les cathédrales gothiques, les grandes abbayes et les universités anciennes… et bien des traces des oeuvres humaines, par exemple au niveau de l’agronomie, ou du thermalisme…

 

  1. Par la suite, la « Renaissance » marqua le seizième siècle, avec la prise de distance par rapport à la religion catholique (apparition du protestantisme…) et la valorisation des choses de l’esprit (le rationalisme et l’humanisme), le début de l’ère des grandes découvertes (imprimerie…), le développement des banques et des outils commerciaux et les grandes transformations scientifiques, littéraires et artistiques (les Italiens inspirant les Français et le théâtre de Shakespeare), en même temps que l’exaltation de l’individu, avec un fort désir d’intériorité (l’homme se découvre comme étant une personne digne d’intérêt).

 

  1. Au 18ième siècle l’Europe est imprégnée par l’approche rationnelle des « Lumières », qui combine la valorisation de la liberté de pensée critique et le souci de comprendre le monde, fondé sur l’intelligence et l’expérience (cf. Francis Bacon, père de la méthode expérimentale).

 

  1. Parallèlement, les Européens développent une volonté de domination impérialiste de la nature et du monde, avec l’instauration du commerce triangulaire d’esclaves noirs achetés en Afrique et revendus dans les colonies américaines… et l’amorce de la colonisation…

 

  1. Cette tendance est, en même temps, contrebalancée par le souci de liberté personnelle et le dynamisme qu’inspire, notamment, la révolution française de la fin du dix-neuvième siècle.

 

Toute cette Histoire a fait adopter aux Européens des usages et des valeurs qui ont forgé une mentalité largement commune :

 

1- Une tradition d’ouverture, d’hospitalité, d’accueil, de générosité, de tolérance et d’acceptation de la diversité. Déjà les clercs du Moyen-Age circulaient librement de Montpellier à Paris, Salamanque, Heidelberg et Padoue. Cela conduisit, depuis 1950, toute l’Europe à accepter l’installation et l’intégration de millions d’immigrés, même si les rapports avec des gens venant de l’étranger n’étaient pas toujours faciles.

 

2- Une passion pour la beauté, fondement d’une société cultivée. Ainsi, les habitants de toute l’Europe (Allemagne, Autriche, Espagne, France, Grèce, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Pologne, Suède…) ont des racines de poètes et vénèrent de grands créateurs de la peinture (tels que Sandro Boticelli (1445-1510), Léonard de Vinci (1452-1519), Michel-Ange (1475-1564), Le Caravage (1571-1610), Rembrandt (1606-1669), Johannes Vermeer (1632-1675), Eugène Delacroix (1798-1863), Paul Cézanne (1839-1906) et Vincent van Gogh (1853-1890)), de la musique (tels que Antonio Vivaldi (1678-1741), Jean-Sebastien Bach (1685-1750), Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Ludwig van Beethoven (1770-1827), Franz Liszt (1811-1886), Giuseppe Verdi (1813-1901), Franz Schubert (1797-1828), Frédéric Chopin (1810(-1849), Richard Wagner (1813-1883) et Claude Debussy (1862-1918))… et de la littérature (tels qu’Homère (VIIIᵉ siècle av. J.-C.), Dante Alighieri (1265-1321), Miguel de Cervantès (1547-1616), William Shakespeare (1564-1616), Molière (1622-1673), Goethe (1749-1832), Victor Hugo (1802-1885), August Strindberg (1849-1912) et Franz Kafka (18831924 )).

 

3- Un humanisme qui prône la liberté des individus souverains d’agir comme bon leur semble si ça ne nuit pas aux intérêts fondamentaux des autres et, en même temps, la limitation des règles communes au strict nécessaire pour préserver les intérêts de chacun.

Cela explique le respect de la dignité des personnes, l’acceptation de la liberté d’expression et circulation, l’adoption de la Déclaration des droits de l’homme, la conformité à l’éthique, la place relativement importante faite aux femmes, par rapport à d’autres cultures, l’assez grande libéralité sexuelle (autorisation de la contraception, licéité de l’homosexualité et l’avortement…) et l’abolition générale de la peine de mort.

Cela va jusqu’à la subsidiarité, qui est à la fois l’autonomie de décision maximale, localement, ou au niveau des régions, ou des groupes sociaux, par rapport aux règles communes, afin de donner aux minorités les moyens de vivre librement selon leurs choix.

 

4- La valorisation de l’échange, qui fait passer la parole avant les actes… et à une forme de pensée caractérisée par le doute (scepticisme et incrédulité), la recherche d’explications, la démonstration, l’esprit critique et la raison, sans doute sous l’influence des œuvres de philosophes tels qu’Erasme (1466-1536), humaniste cosmopolite et pacifiste, Montaigne (1533-1592), humaniste et polyglotte, voyageur et diplomate, Spinoza (1632-1677), René Descartes (1641), Isaac Newton (1642-1727), Voltaire (1694-1778) et les auteurs du courant des Lumières, ou Kant (1724-1804). Ce qui explique une formidable propension au foisonnement des recherches et découvertes scientifiques, techniques et sanitaires dans le passé de toute l’Europe (cf. Archimède (troisième siècle avant J.-C.), Johannes Gutenberg (1400-1468), Copernic (1473-1543), Galilée (1564-1642), Johannes Kepler (1571-1630), Charles Darwin (1809-1882), Louis Pasteur (1822-1895), Marie Curie (1867-1934), Albert Einstein (1879-1955), Niels Bohr (1885-1962) et Heisenberg (1901-1976)).

 

5- Un culte du progrès, qui a fait des Européens des explorateurs de l’inconnu, navigateurs, géographes et cartographes comme Christophe Colomb (14511506) et James Cook (1728-1779), Henry Morton Stanley (1841-1904) ou Pierre Savorgnan de Brazza (1852-1905), mais a conduit aussi à l’affirmation d’inégalités qui débouchait naturellement sur l’esclavage et la colonisation, puisqu’elle reconnaissait qu’il y a des populations supérieures et d’autres, dépendantes. Les Européens sont, aujourd’hui, en train de revoir cette considération des autres qui crée des distorsions relationnelles, ce qui entraîne d’ailleurs des clivages entre eux.

 

6- La préférence pour un régime politique démocratique, selon un modèle inspiré de la Grèce antique, avec la construction d’un Etat qui garantit la liberté, la sécurité, les droits et la justice, qui est repris dans l’Etat-nation instauré à la suite du Traité de Westphalie signé entre l’Allemagne, la France, l’Espagne et la Suède en 1648, à la fin de la guerre de 30 ans. On aboutit à des démocraties qui intègrent la séparation entre l’exécutif, du législatif et du judiciaire préconisée par Montesquieu (1689-1755) et sont particulièrement soucieuses des aspects sociaux (protection des personnes défavorisées, éducation…), tout en entérinant un libéralisme économique total, tout en prenant en considération le souci écologique de la préservation de la nature.

Compréhension interculturelle

Quelles violences à venir entre les hommes ?

L’Histoire a été marquée par une succession de brutalités.

Doit-on en conclure que l’agressivité est dans la nature des hommes ? Si c’est le cas, quel avenir espérer, maintenant que de plus en plus de pays sont capables de détruire toute vie sur terre ?

Nous sommes le dos au mur. Il faudra bien que nous apprenions à juguler nos réactions irascibles et pratiquer la fraternité. C’est difficile, mais c’est indispensable… et possible !

 

Depuis toujours, il y a eu d’effroyables conflits entre les peuples. Ce qui conduit certains à penser que la guerre a toujours été le moteur de l’Histoire. Cela fit ainsi écrire à Hegel que c’est « la violence qui crée l’Histoire ». Est-ce à dire que la politique ne soit rien d’autre que l’art de la conflictualité, « la continuation de la guerre, par d’autres moyens » ?

 

Au départ, il y eut, sans doute la lutte pour l’existence (« struggle for life ») décrite par Darwin. Lors des affrontements compétitifs, les individus devaient éliminer les autres pour survivre.

 

Les hostilités s’étendent ensuite avec les persécutions et exterminations provoquées par des exaltations d’oppositions ethniques, religieuses, militaristes, ou idéologiques. Pensons aux conquêtes et invasions de peuples venus d’ailleurs, à la christianisation forcée des Indiens d’Amérique, en 1550 (cf. controverse de Valladolid), ou aux guerres de religion en Europe, de la répression de l’« hérésie » cathare entre les Xe et XIIe siècle, à la saint Barthélemy en 1572.

 

Au vingtième siècle, la première guerre mondiale commence, en 1914, avec l’assassinat de Jaurès. La majorité des Français et Allemands sont fiers de partir tuer des ennemis et se réjouissent à l’idée du carnage, dans la négation de toute fraternité. On oubliait les discours de Romain Rolland, prix Nobel de 1915, qui mettaient l’accent sur ce que la France et l’Allemagne avaient à s’apporter (cf. « Jean-Christophe » « Au-dessus de la mêlée »), sur la valorisation de l’humanité de Romain Rolland, élève de Renan et ami de Jaurès, dont on ne parle plus guère maintenant, ou ceux de Jean Guéhenno (cf. « La mort des autres »).

Puis il y eut les épouvantables horreurs absurdes, dénoncées Henri Barbusse, Roland Dorgelès et Georges Duhamel, qui firent que jusqu’à la moitié des jeunes hommes n’en revinrent pas.

 

Il y eut ensuite, en 1936, les tergiversations des pays Occidentaux, face à la guerre civile d’Espagne, avec l’utilitarisme amoral des Anglais, qui saisirent l’occasion pour ne pas choisir et s’opposèrent à toute aide au gouvernement espagnol, en espérant que les fascistes et nazis et leurs adversaires, communistes pro-bolcheviks ou anarchistes, s’annihileraient mutuellement.

 

La seconde guerre mondiale s’annonçait, que rien n’arrêtait, surtout pas la complaisance molle des accords de Munich qui incarnaient le choix de la vie, si fragile soit-elle, aux dépens des raisons de vivre tranquillement.

En 1940, la majorité des Français abasourdis, ont trahi leur patrie en restant, lâchement, écrasés par la capitulation. Puis l’apologie de l’ordre, la soumission et l’effort, a été assumée par Pétain. Ce n’était là que la récupération des convictions de la culture paysanne majoritaire en France.

A la fin de la guerre, il est apparu que les U.S.A., qui avaient eu relativement peu de tués et de destructions et en avaient profité pour développer leur industrie de l’armement, en sont sortis renforcés, à une place prééminente. Et il a été constitué, à l’O.N.U., un conseil de sécurité avec 5 membres permanents (U.S.A., Royaume-Uni, France, U.R.S.S. et Chine). Ce qui laissait de côté d’autres pays (Allemagne, Italie, Japon), qui avaient été de l’autre côté des belligérants. IL en a résulté, depuis, un système de sécurité international figé, devenu rapidement obsolète.

 

Il y eut ensuite une succession de remises en cause des colonisations et décolonisations. L’asservissement des peuples avait été le produit du délire impérialiste dominateur de la plupart des grandes puissances. Après la guerre mondiale, les colonies profitèrent de l’affaiblissement des colonisateurs pour se libérer de leur tutelle et arracher leur autonomie. Il leur fallait réagir aux humiliations ressenties et se dégager de l’hégémonie des occupants (cf. importance du paraître). Il y eut des efforts d’émancipation, des révoltes, des insurrections et des guerres d’indépendance, souvent illustrées par des mutilations, des viols, des exhortations au meurtre et des assassinats, de part et d’autre, au milieu d’innocents. Il fallait tuer… et même égorger des enfants, ce qui n’avaient aucun sens, s’il n’avait pas eu d’espérance collective. Mais se délivre-t-on en massacrant ? Cela engendrait une répression cruelle et sanglante (torture pour obtenir des aveux ou des renseignements…), qui était sans issue, la violence engendrant la volonté de revanche… Tout cela déboucha, souvent, sur l’accès des militaires au pouvoir.

 

En Europe une union s’élabora progressivement, qui permit la perpétuation de la paix durant une période d’une durée jamais connue auparavant. On n’abolit pas les frontières, mais instaura une pénétrabilité entre des pays, qui n’arrivèrent guère à dégager une volonté commune.

Tandis que le monde édifiait des zones d’échanges commerciaux sous l’égide de l’O.M.C..

 

Puis la seconde partie du vingtième siècle fut caractérisée par l’essor de la consommation, avec une aspiration générale à accumuler le maximum, à agresser les autres pour avoir tout, tout de suite… Ce qui déboucha sur une dénonciation de la propriété… et de la pression symbolique et des répressions du pouvoir, perçu comme exerçant une violence, par ses lois…

Avant que des jeunes révoltés se laissent aller à des manifestations de colère, antipathie, ressentiment, vindicte, agressions verbales et physiques, depuis les automobiles incendiées pour s’affirmer et faire parler de soi, jusqu’aux détestations, insultes, injures, déprédations des locaux, hargnes, coups et blessures et menaces de mort à l’encontre d’élus, allant jusqu’à des lynchages, souvent au nom de minorités religieuses, ethniques, sociales ou sexuelles.

Mais comment considérer ainsi que détruire, soit construire ?

 

Parallèlement, il y eut la signature, en 1968, d’un traité de non-prolifération des armements nucléaires (TNP), qui ne considérait comme « puissance nucléaire » que les Etats ayant procédé à des essais avant 1967.

 

Cela n’empêcha pas, durant les années 1990, une multiplication des conflits, souvent fondés sur des rivalités ethniques ou religieuses : Balkans (Bosnie, massacres de Srebrenica en 1995…), Proche-Orient (Israël, Iran, Irak…), Caucase, Cachemire, Afrique (Nigéria, R.D.C.) … Il y eut aussi, à la même époque, bien des guerres civiles en Irlande, Algérie, génocide au Rwanda en 1994, Soudan, Syrie, Yémen, Ethiopie…

 

On assista aussi à une montée des férocités abominables de groupes extrémistes (horreurs de lapidations, mutilations, égorgements, exécutions sommaires, décapitations, massacres…) et à une multiplication des attentats d’un terrorisme aveugle et suicides de supposés « martyrs ».

 

Les causes de toutes ces violences sont diverses et évidentes : la détresse de ceux qui sont dans le dénuement, sans recours possible, ou bien l’envie et la volonté de conquérir un territoire, dominer les autres et s’affirmer, qui font que « le nationalisme, c’est la guerre » … la propension absurde à se venger, qui provoque la revanche, parfois la peur qui entraîne des agressions « préventives », qui s’enchaînent sur une exaspération des passions tristes (cf. Spinoza), etc.

 

Les hostilités sont alors facilitées par les ventes d’armes aux agitateurs et leur soutien par des marchands qui ne se soucient que de défendre leurs propres intérêts. On notera ainsi qu’en 2016, le premier exportateur d’armes est les Etats-Unis (30 à 54 %), avant la Russie (27 à 31 %), la Chine (6 à 13 %), l’Allemagne (6 %), la France (5 %) et le Royaume-Uni (4 %), suivis par l’Espagne, l’Ukraine, l’Italie et Israël (3 % chacun). Ce gigantesque prélèvement militaire sur l’économie s’avère pourtant stérile, car ne débouchant pas sur la moindre construction utile.

 

En conclusion, il nous faut bien admettre qu’il y aura toujours des oppositions d’opinions, des intérêts antagonistes et des égoïstes tentant de s’approprier les biens d’autrui, des mégalomaniaques qui visent à exercer une domination hégémonique et s’assujettir les autres… et des « salauds », criminels, fous meurtriers et sadiques, tirant leur plaisir du mal qu’ils infligent aux autres. Il y aura donc sans doute toujours des adversaires contre lesquels il faudra lutter, avec lesquels il y aura des dissentions, qui ne se résoudront que dans des rapports dans lesquels le pouvoir économique ou militaire sera déterminant.

 

Est-ce à dire que les relations d’influence ne peuvent s’exercer que par la force ?

Doit-on en conclure que les hommes auraient inexorablement une hostilité aux autres, seraient naturellement violents. Déjà dans la culture judéo-chrétienne, avec l’idée de « péché originel », la propension au mal préexiste au bien, comme le soulignaient Saint Augustin et Luther. De nombreux autres auteurs, tels que Machiavel, Hobbes, Adam Smith et Hannah Arendt affirment que les hommes sont spontanément égocentriques, cupides, vénaux, méfiants, malveillants, racistes, injustes et/ou cruels. Cette conception Freud la reprend lorsqu’il dit, dans Malaise dans la civilisation », que l’homme a un « besoin d’agression aux dépens de son prochain, d’exploiter son travail sans dédommagement, de l’utiliser sexuellement sans son consentement, de s’approprier ses biens, de l’humilier, lui infliger des souffrances, le martyriser et le tuer ».

 

Or, aujourd’hui, au moins trois évolutions montrent qu’on ne peut plus dominer les autres par la guerre :

 

– « Les résultats des conflits des cinquante dernières années (Algérie, Palestine, Afghanistan, Irak, Syrie, etc.) font douter que la soumission à la victoire fonctionne encore… Nous y constatons que les plus forts ont été impuissants à surmonter leurs adversaires avec les moyens militaires classiques. Nous avons pris conscience qu’« on ne peut jamais détruire tous ses ennemis », comme le disait Bill Clinton, à propos des contentieux entre Israël et les Palestiniens. Ceux qui survivent en sont renforcés dans leur incitation à l’antagonisme. Ce qui débouche nécessairement sur des confrontations armées interminables.

Même en interne, en démocratie, le recours à la violence des manifestations sociales pour faire pression sur l’Etat n’a guère de sens, car il n’aboutit qu’à réorienter les flux monétaires entre les groupes sociaux, à augmenter la pression fiscale, à la charge de tous, et à accentuer le déficit de la nation. Avec la haine, nous courons juste le risque de l’éclatement de la société.

 

– Nous sommes dans un monde où les armements nucléaires qui permettent des « destructions massives » sont accessibles à bien des pays. Bien des pays (Inde, Pakistan, Israël, Corée du nord…) possèdent la bombe atomique et de nouvelles puissances ont émergé (Corée du Sud, Turquie, Mexique, Brésil, Argentine, Egypte, Nigéria, Afrique du Sud…) possèdent le nucléaire civil, ou aspirent à l’avoir (Iran…). Ces armements sont suffisamment puissants pour tout détruire. Ce qui serait inévitablement réciproque. Ce qui conduirait à une annihilation. La violence pourrait ainsi nous entraîner à la destruction mutuelle totale. Quel avenir espérer, maintenant que les hommes sont capables d’éliminer toute vie sur terre ?

 

Nous sommes le dos au mur. Il faudra bien que nous apprenions à juguler nos réactions irascibles et pratiquer la fraternité. C’est difficile, mais c’est indispensable. Est-ce possible ? Quatre choses incitent à l’espérer.

 

Depuis que les premiers hommes sont apparus sur terre, il y a 2,5 millions d’années, il n’y a pas eu que de la violence, puisque 75 000 générations de femmes ont pris soin de leurs bébés immatures, à la naissance. Et 75 000 générations d’hommes ont nourri et protégé leurs progénitures, leurs familles, leurs villages, ou leurs nations. Les entraides, y compris entre espèces, ont été déterminants dans la survie des humains, qui ont dû pouvoir s’appuyer sur d’autres. Sinon nous ne serions plus là.

 

Nous avons su, avec la dissuasion, éviter de nous détruire avec l’arme nucléaire… et la paix en Europe dure depuis 75 ans. Cela n’avait jamais été le cas depuis les débuts de l’Histoire.

 

De plus, on peut actuellement constater d’indéniables progrès. Le monde se porte mieux que dans les années 1930 et même 1960 : il n’y a pratiquement plus de famines, l’espérance de vie des humains est passée de 45 ans en 1900 à 70 ans (82 ans en France), les conditions de vie de la plupart des gens ont nettement progressé, les droits des femmes sont mieux respectés, etc.

 

Enfin, à l’époque actuelle, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la coopération apporte plus que l’antagonisme. Les échanges scientifiques planétaires et les transactions internationales sont plus fructueux que les affrontements. La guerre rapporte moins que le commerce. Le développement de la Chine depuis l’an 2000 le démontre.

 

Nous prenons conscience qu’au fond, tous les hommes sont les mêmes, au-delà de leurs particularités culturelles. La conclusion qui s’impose c’est la nécessité de la paix universelle, chère à Emmanuel Kant et du pacifisme cher à Victor Margueritte et Aristide Briand, il y a 100 ans. Que ce soit une utopie, ne signifie pas que ce soit une illusion… Pour ma part, j’ai une horreur de la violence, que Montaigne partageait avec Voltaire. L’apologie de la haine est ma limite. La colère ne justifie pas tout. D’ailleurs aucune fin ne légitime d’employer TOUS les moyens… Ceci étant, toute bataille n’est pas mauvaise. J’admets volontiers la concurrence, la compétition et la lutte pour ses idées… L’entente est difficile, mais possible. Elle suppose toutefois de réunir plusieurs conditions.

 

Pour que les gens s’entendent, il importe d’abord qu’ils se connaissent, qu’ils soient éduqués et se sentent protégés. Mieux se comprendre permet de prévenir bien des conflits et résorbe les agressions… Mais tout n’est pas culturel. Si la compréhension entre les peuples est nécessaire, elle ne sera pas suffisante pour empêcher les hostilités.

Ne nous faisons pas d’illusion. Il serait naïf de croire que la raison l’emporte sur la brutalité. Nous avons donc besoin de la force. Ce qui ne signifie pas qu’il faille la mettre en œuvre.

De plus, personne ne peut se passer d’alliés, pour se défendre. Il importe à la fois d’être en mesure d’affirmer sa force… et de tout faire pour développer les coopérations avec les autres. Ce n’est pas incompatible, au contraire, nul n’ayant envie de n’être ami qu’avec des faibles.

 

Des exemples tels que ceux de Gandhi, Martin Luther King et Nelson Mandela ont montré que l’on peut imposer des changements, sans violence, au risque de sa vie. Comme le dit Frédéric Gros, dans « Désobéir », « la racine de la non-violence ne peut être que dans le courage ». Giono écrivait que « quand on n’a pas assez de courage pour être pacifiste, on est guerrier ». Et Jean Daniel concluait : « Au nom du pacifisme, on peut refuser de tuer. Mais si on n’est pas prêt à mourir pour ce refus, on devient un esclave » (« Réconcilier la France », p. 23).

LES DIFFÉRENTES CULTURES

Un tour du monde des cultures étonnantes

Nos cultures nous distinguent et nous opposent.

Et pourtant l’on n’apprend que de la rencontre avec ceux qui sont différents de nous. Nos semblables ne nous enseignent rien que nous ne sachions… Il est d’ailleurs utile de connaître les habitudes et les aspirations des autres, même lorsqu’ils sont nos adversaires.

Il est donc primordial de dépasser nos divergences et nous efforcer de comprendre les autres. Pour cela, avoir vécu dans différents contextes m’a fourni des clés de compréhension mutuelle.

Chaque humain est unique.

Il existe cependant des similitudes dans les réactions des différents groupes sociaux. Ainsi, la plupart des membres de chaque collectivité ont des usages, des croyances et des normes communs.

Nous sommes tous fiers de nos valeurs et avons tendance à les considérer absolues et éternelles. Aussi, constater que l’autre n’est pas comme nous, nous dérange, nous met mal à l’aise et même, parfois, nous choque. Nous nous comprenons mal. Ce qui est source de malentendus.

Et, étant persuadés d’avoir raison, nous sommes tentés d’imposer nos certitudes aux autres.

Ce qui entraîne souvent des intolérances, des mépris, des rejets et des conflits.

Nous aurions pourtant bien besoin de nous comprendre, ne serait-ce que pour coopérer.

Dans « Rencontrer les autres… cultures autour du monde » (éditions Cleyriane), je relate des centaines d’anecdotes caractéristiques, issues de mon expérience d’avoir travaillé et vécu dans une trentaine de pays d’Europe, Amérique, Afrique et Asie.

J’en ai tiré, notamment, les constatations suivantes sur les principales particularités dont il faut tenir compte.

Tous les peuples n’ont pas les mêmes conceptions de l’espace. Certains, notamment les Arabes, recherchent souvent une proximité physique, alors que d’autres, comme la plupart des Anglais, ne sont l’aise qu’à distance de leurs interlocuteurs. Autre exemple, les Français sont accoutumés aux poignées de main et aux bises, alors que bien des Américains ont tendance à éviter les contacts, y compris du regard.

Les diverses sociétés ont aussi des conceptions du temps très différentes. Avec les Orientaux, les négociations peuvent durer longtemps, sans nécessairement qu’on aborde le sujet d’emblée. Les Occidentaux peuvent alors avoir le sentiment que la discussion traîne. En fait, ce qui importe, c’est d’avoir le temps de faire connaissance, pour estimer si l’on peut se faire confiance… Par ailleurs, dans certains pays tels que l’Allemagne et le Japon, tout est planifié dans le détail et la ponctualité doit impérativement être respectée. Il n’en est pas de même partout, notamment en Espagne ou en Amérique latine… Enfin, les Occidentaux sont habitués à percevoir le temps comme se déroulant linéairement d’un début à une fin. Alors qu’en Inde, le temps est considéré comme circulaire… et que la culture chinoise est imprégnée de l’« impermanence » d’un temps à la fois constamment changeant et éternellement stable.

D’autre part, certains peuples valorisent surtout l’expérience pratique (U.K.), les résultats, la réussite matérielle et les gains en argent (U.S.A.). Des populations valorisent le marchandage (Arabes…), ou subordonnent le respect de leurs engagements, aux circonstances (U.K.). A l’opposé, les habitants d’autres pays ont une passion pour les idées, la logique, les discours et les écrits (France), ou pour l’harmonie, la sérénité et la méditation (Orient).

D’autres peuples accordent une place importante à la sensibilité et l’affectivité (émotions) …et aux relations, attentions et compassions pour les faibles. Dans les cultures anglo-saxonnes, il est mal venu de parler de ces aspects. Tandis qu’en Orient, on met en avant la nature et la beauté. En Inde et en Afrique les talents artistiques sont valorisés. Et les Italiens ont une propension à l’extraversion, un souci de leur apparence, une acceptation de désordre et un goût pour des idées novatrices. En France, il y a même des débats passionnés sur des sujets abstraits.

Toutes les populations n’ont pas non plus la même appréhension de la liberté. Chez les anglo-saxons, chaque individu est responsable de ses choix et doit veiller à ses propres intérêts. Ce qui induit un climat de compétitions, de violence et d’inégalité. Ailleurs (Chine…), le collectif prévaut sur l’individu. A d’autres endroits (Allemagne, Japon…), on est habitué à rechercher le consensus et la coopération et on respecte scrupuleusement les règles établies. En Afrique, les relations sont d’emblée fraternelles… et considérées comme devant être réciproques.

Par ailleurs, tous les peuples n’ont pas la même acceptation de l’autorité de la hiérarchie d’un pouvoir central fort (Chine), d’une stratification sociale ancienne (Inde), d’une aristocratie marchande (Angleterre), ou de règles suivies avec ordre et discipline (Allemagne et Japon). A l’opposé, pour d’autres, les relations sont plus égalitaires. En Afrique, les entraides sont spontanées… et chez les Américains le fonctionnement « démocratique » dénonce les privilèges et fait que les dirigeants sont facilement accessibles, portes ouvertes.

Tous les peuples n’ont pas non plus la même propension à rechercher la sécurité (cf. par exemple, protection sociale de la santé, des emplois et des revenus, en France) ou, au contraire, à assumer la prise de risque, avec flegme et courage (Royaume-Uni) et considérer constructivement les échecs (U.S.A.).

On peut relever aussi des réactions aux critiques et évaluations très différentes, d’un pays à l’autre. Les Anglo-saxons recherchent couramment des appréciations de leurs actes et surtout de leurs résultats, quitte à nuancer leurs propos (cf. Canada). Au Japon, il en est presque de même, sauf que tout jugement de la personne est prohibé. Inversement, dans les pays de tradition catholique, la moindre appréciation suscite des réactions de défense, dénégations et autojustification (« ce n’est pas moi », « c’est qu’on n’en avait pas les moyens »…). En Chine, on exprime peu ses opinions, ni refus, ni approbation, pour ne pas risquer de perdre la face.

Enfin, les membres des « cultures de haut contexte » (Orientaux, Arabes, Japonais) s’expriment souvent de façon implicite, car, pour eux, s’expliquer clairement serait une manifestation de mépris de l’intelligence de son interlocuteur. Inversement, aux U.S.A., chez les Germaniques et les Scandinaves, la majorité des gens a tendance à dire directement ce qu’ils pensent, même si c’est, habituellement, sans la violence verbale, que tolèrent les Français et les Latins.

La connaissance de toutes ces particularités des autres facilite la compréhension mutuelle.

Compréhension interculturelle

Mieux nous entendre pour surmonter ce qui nous menace tous

Les différents peuples de la terre ont des croyances et des usages hétérogènes.

Ces convictions, enracinées dans leur tradition, sont héritées de leur passé, via les anciens, aux expériences desquels cela répondait.

 

Or nous sommes tous convaincus d’avoir raison, contre tous les autres.

On aboutit à des « systèmes » antagonistes. Les oppositions de convictions entraînent alors des intolérances et des affrontements.

Surtout lorsque nos croyances sont cristallisées dans des principes religieux… et que les religions, qui sont en quête d’universel, considèrent que leurs propres valeurs sont absolues et éternelles et sont tentées d’imposer leurs certitudes dogmatiques aux autres. Ce qui arrive actuellement avec une indéniable demande de spiritualité et le regain du mysticisme.

 

Cela explique les antagonismes entre les communautés nationales, ethniques, sociales, religieuses et sexuelles qu’on constate de plus en plus souvent.

 

En même temps, nos cultures sont le reflet de l’adaptation à des conditions de vie, qui sont évolutives. Ainsi, les cultures dépendent du contexte géographique et historique et varient selon les situations, les lieux et les époques, lorsque l’environnement change, suite à des innovations techniques ou des bouleversements sociaux.

Nous sommes ainsi passés, en un siècle, d’une culture agronome et rurale, à une culture industrielle de production, puis à une culture libertaire, dans les années 1960 et, aujourd’hui, à une culture geek d’interactions, évolutions rapides incessantes et généralisation de l’économie libérale, d’exigence de droits individuels et aspirations matérielles exacerbées.

 

Il en résulte des concurrences, compétitions, inégalités et instabilités qui divisent encore plus les sociétés.

 

Cependant, tous les pays font simultanément face à des bouleversements de leurs existences de quatre ordres, qui pourraient leur être fatals :

– croissance de la population et globalisation des échanges économiques internationaux qui entraînent inexorablement, sur une terre de dimension limitée, la raréfaction ou l’épuisement des ressources naturelles ;

– détériorations de la nature, source de vie, provoquées par les développements industriels inconsidérés engagés au cours des dernières décennies ;

– effets négatifs incontrôlés des innovations technologiques séduisantes, qui se multiplient actuellement ;

– développement d’une finance spéculative mondiale, qui détourne l’économie de ses finalités.

Ce sont là des problèmes d’une telle ampleur qu’ils ne peuvent être résolus que si les hommes s’y consacrent ensemble, aucun n’étant plus capable de défendre, seul, ses intérêts. La survie du monde nécessite une coopération renforcée entre les peuples, qui doivent arriver à se comprendre, nonobstant leurs différences culturelles.

 

Dans ce contexte, la plupart des responsables et dirigeants ont pris conscience de trois choses.

Ils savent, tout d’abord, que les escalades de la violence sont sans issue. D’une part, parce qu’ils ont constaté que les guerres sont inefficaces pour résoudre les conflits. D’autre part, parce que les armements qui permettent des « destructions massives » étant accessibles à bien des pays, toute attaque serait inévitablement réciproque… et conduirait à une annihilation mutuelle.

Par ailleurs, ils admettent que si l’entente est difficile, elle est possible. Nous le démontrons depuis 75 ans.

Enfin, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la coopération apporte plus que l’antagonisme, car les échanges scientifiques et les transactions commerciales à l’international sont plus fructueux que la guerre.

 

Nous aboutissons alors à un clivage entre deux forces.

D’un côté, les représentants des minorités (des groupes d’affinités, aux lobbies défendant des intérêts particuliers), se plaignent d’être « discriminés » et revendiquent des droits particuliers.

Ce qui fait que le monde est de plus en plus divisé…

D’autre part, les chefs d’Etats et institutions supranationales savent que le souci des intérêts communs et les coopérations pacifiques sont indispensables.

Ce qui exacerbe souvent, aujourd’hui, les oppositions entre les exigences des peuples et les directives des dirigeants, quels que soient les régimes politiques.

 

Saurons-nous instaurer une compréhension mutuelle qui dépasse nos oppositions culturelles ?

 

Il ne s’agit pas de tout accepter. Renier sa propre culture serait un appauvrissement.

 

Mais on peut adhérer simultanément à plusieurs cultures, même si elles énoncent des préceptes contradictoires, sans trahir celle de ses origines, car l’homme est capable d’appréhender la complexité.

 

Il faut simplement s’efforcer de connaître et prendre en considération les usages, besoins et souhaits des autres… et accepter de réexaminer ses propres croyances et certitudes préconçues, qui font interpréter et juger à tort ce que font et disent les autres.

PRATIQUES CULTURELLES

Peut-on prévoir ce qui nous attend dans les 25 ans à venir ?

Il y a toujours eu des illuminés annonçant la réalisation prochaine de leurs propres fantasmes et des prophètes de malheur prédisant des catastrophes imminentes, y compris la fin du monde. Ainsi, après Spengler et Toynbee, certains, fascinés par la décadence de la civilisation, annoncèrent sa fin. Tandis que d’autres rêvent de la réalisation d’inventions qui leur sont chères, ou anticipent des transformations imaginaires, sans se soucier de leur vraisemblance.

Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est qu’avec les réseaux sociaux, n’importe qui peut prétendre à la véracité de ses opinions et annoncer la réalisation de ce qu’il imagine. La multiplication des présages des futurologues d’occasion augmente alors la confusion. Nous ne percevons plus ce que pourrait être le futur et doutons de l’avenir.

On peut pourtant identifier des tendances lourdes, dont on n’évitera sans doute pas la poursuite… qui permettent d’extrapoler qui nous attend, ainsi que des nécessités que nous devrons arriver à surmonter, pour survivre. Il est ainsi possible de prévoir certaines évolutions.

1- L’amélioration de nos conditions physiques de vie, qui répond à un souci général permanent de sécurité et de santé, dans une société de plus en plus hypocondriaque, se poursuivra. On peut s’attendre à un renforcement de la préoccupation de mettre fin aux maladies et handicaps et, en particulier, de protéger les enfants… Il y aura même certainement de plus en plus de gens obsédés de leur survie et de la recherche du rajeunissement. Ce qui induira des tentatives d’inversion de l’horloge biologique des cellules, sans qu’on soit, pour autant, près de triompher de la mort. Des progrès sanitaires seront rendus possibles par des innovations scientifiques et technologiques et un bouleversement des applications pratiques dans le domaine de la santé. Notamment, une utilisation croissante des biotechnologies :

– fertilisation in vitro, qui concernait déjà, près de 5 millions des enfants nés en 2015 ;

– édition des gènes de l’ADN ;

– mutations par modification génétique d’embryons de plantes et d’animaux (possible depuis l’invention du ciseau génétique CRISPR-Cas9, en 2012), jusqu’au clonage…

– expériences d’eugénisme social, consistant à sélectionner les profils des êtres vivants.

Il faut aussi prévoir l’accroissement de la prise en charge robotisée des soins, à distance.

Néanmoins, certaines affections telles que le paludisme, les cancers et le sida ne seront sans doute toujours pas maîtrisées… et l’apparition d’épidémies nouvelles est très probable du fait du lien entre la propagation des virus et la déforestation.

On aboutira cependant à une prolongation de l’espérance de vie des humains, donc un vieillissement de la population et un poids croissant des soins aux personnes âgées et de la gériatrie. On doit envisager, en conséquence, l’augmentation du poids de dépenses de « sécurité sociale » et, sans doute, une diminution des prestations sociales, entrainant un accroissement des contributions financières à l’assurance santé et un développement du tourisme médical.

2- Le partage des tâches, entre humains et machines, s’étendra :

– accélération de l’automation et de la robotique, transformant le travail… et augmentation de l’autonomie des automates, avec le développement des applications d’Intelligence Artificielle, grâce au deep learning (cf. réponses apportées, dans les centres d’appel, par des androïdes) ;

– commandes vocales et habitations qui s’entretiennent sans intervention humaine (domotique) ;

– internet des objets, grâce aux progrès de miniaturisations (nanotechnologies) et des capteurs biométriques connectés (wearables), jusqu’à, par exemple, des vêtements ayant des fonctions nouvelles, notamment médicales, avec des microcapsules incorporées aux fibres textiles.

Par contre, il est très improbable que l’on soit capable de mettre au point, à une échéance prévisible, des machines réellement intelligentes, qui éprouvent des sensations, soient sensibles, aient des émotions, des désirs, des intentions et des conceptions éthiques et soient aptes à faire des découvertes. Les outils d’Intelligence Artificielle ne visent guère qu’à diminuer les efforts des hommes et perfectionner leur confort… et ne changent rien à leurs existences. Ils ne font que simuler une compréhension. Ils n’ont aucune « idée » de ce que veut dire ce qu’ils font. Ils ne sont pas, seuls, en mesure d’être critiques, ni créatifs. On peut douter qu’ils puissent, un jour, s’améliorer eux-mêmes. Ce sont les hommes qui, par anthropomorphisme, leur prêtent des capacités qu’ils n’ont pas et donnent du sens à ce qu’ils produisent.

De même, les possibilités d’augmentation de nos capacités dont rêve le transhumanisme sont très incertaines. Brancher les hommes sur des corps synthétiques artificiels, afin de développer leurs performances et faire qu’ils ne connaissent plus, ni la maladie, ni la décrépitude, ni la mort, les transforme en robots. Il y aura certainement une multiplication des mains bioniques et autres prothèses, mais, aussi, bien des limites aux améliorations neuronales avec transformations de la chair et fusions homme/machine : cerveaux reliés directement avec des réseaux d’information, réseaux de capteurs et implants électroniques cérébraux, cyborgs humains greffés de micropuces et parties mécaniques miniaturisées intégrées…

3- Les relations entre les gens continueront à être transformées par des communications toujours plus sophistiquées. On pourra ainsi tout transmettre immédiatement, avec une interconnexion des personnes et de l’argent, par des fibres optiques transmettant à très haut débit les données, à la vitesse de la lumière. Ce qui accroitra la puissance de calcul des appareils, avec les applications du quantique… Cela fait qu’il y aura probablement…

– une poursuite des moyens facilitant l’accès à toutes les connaissances ;

– de plus en plus de conservation (archivage…) de masses de données (big data) dans des clouds (stockage de masses de données en ligne) ;

– une poursuite de la diffusion des informations en urgence et en continu, y compris concernant des choses sur lesquelles on n’a aucune prise, répondant à l’attrait du nouveau (caprices, modes…), dans la rapidité, jusqu’à l’immédiat. Ce qui aura pour effet d’augmenter nos difficultés de concentration, lecture et écoute des autres ;

– des possibilités de traduction en temps réel, permettant de comprendre n’importe quelle langue, une fois une oreillette installée ;

– un enregistrement et mémorisation de tout ce qui est dit (ne parlons-nous pas 40 % du temps) ;

– une exploitation systématique des données sur les goûts des utilisateurs (par des spécialistes s’efforçant de comprendre ce à quoi ils aspirent, afin de satisfaire la moindre de leurs envies, avant même qu’ils en formulent la demande et leur faire livrer les dernières nouveautés, sans qu’ils aient eu à les commander, ce qui revient à leur dicter leurs désirs. Cette manipulation a des conséquences psychologiques destructrices, trop souvent ignorées : satiété, passivité… ;

– la création d’un espace digital commun.

On échangera ainsi de plus en plus des images, vidéos et opinions, au risque de perdre pied avec le réel, en s’abîmant dans les simulations, sous l’influence du virtuel récréant, autour de soi, une « réalité augmentée », jusqu’à ne plus être capable de distinguer le réel de l’illusion.

Il importerait d’aller au-delà de la plupart de ces innovations de la Silicon Valley, qui n’apportent que des solutions séduisantes à des questions qui ne se posent pas réellement. Comme si l’ère numérique n’avait rien de plus visionnaire à proposer que des gadgets visant à entretenir la satisfaction des consommateurs anesthésiés, au risque d’effets pervers :

– De telles évolutions induisent une infantilisation ! La satisfaction permanente de ses demandes, c’est le présent permanent, sans le moindre projet de progrès !

–  Ces technologies sophistiquent et accroissent les possibilités de tromper les autres.

– Elles conduisent à l’élaboration d’outils permettant la multiplication des piratages des systèmes d’information et de communication, jusqu’à induire une guerre de l’information.

4- Pendant ce temps, les systèmes politiques poursuivront sans doute les évolutions engagées et ne se transformeront pas fondamentalement. On peut ainsi redouter qu’il n’y ait guère de progrès dans la limitation des injustices, des exploitations, des oppressions des hommes et des violences. Il y aura sans doute surtout…

– une poursuite de la mondialisation, pouvant aller jusqu’à abolir les frontières. Même les menaces écologiques concernant le salut de la planète entraîneront, imperceptiblement, le déclin du poids des nations. Ce qui sera certainement contrebalancé par la mise en avant des différences interculturelles et l’affirmation, par chacun, des particularités de son identité ;

– de probables nouvelles centralisations de pouvoirs, soutenues par des concentrations de capitaux, allant jusqu’à promouvoir l’édification d’institutions de gouvernement planétaires ;

– l’instauration de contrôles des peuples grâce à la surveillance automatisée des comportements humains, ce qui ne va pas dans la sens de la préservation des libertés individuelles ;

– une augmentation des inégalités entre un nombre de plus en plus réduit de ceux qui possèdent de plus en plus d’argent et de pouvoir… et la masse de ceux qui n’ont plus de prise sur leurs conditions de vie et sont manipulés par les incitations à la consommation.

Au-delà de ces quatre dynamiques se poursuivant, à quelles ruptures s’attendre ?

Il est difficile d’envisager tout ce qui pourra être imaginé et sera susceptible de séduire les hommes. Surtout que nous sommes entrés dans un univers d’accélération et augmentation de la fréquence des changements et virages brusques.

En tout état de cause, nous devrons nécessairement faire face à toutes les conséquences néfastes de tous nos « progrès ». Il deviendra, en particulier, vital de lutter contre la destruction de l’environnement naturel dans lequel les hommes vivent et qui les fait vivre : réchauffement climatique engendrant des bouleversements des conditions de vie, pollution et envahissement par les déchets, disparition de nombreuses espèces végétales et animales, multiplications des maladies nouvelles et pandémies, démographie induisant une augmentation de la population dépassant les capacités du globe terrestre ce qui entraine une raréfaction des ressources, dérives incontrôlées de l’économie, au seul bénéfices des spéculateurs… On peut anticiper que cela nécessitera, par exemple, le recyclage systématique de biens éphémères, donc la multiplication des sites et boutiques de prêt et de troc, ou l’extension de productions alimentaires telles que l’élevage d’insectes, ou la culture tissulaire (viande conceptuelle).

Ici, il semble que nous sommes face à deux éventualités :

– La poursuite et même l’accentuation de l’abrutissement des peuples soumis à un contrôle politique accru et manipulés par la séduction de « nouveautés », provoquant des envies de consommation. Ce qui aurait inexorablement des conséquences dramatiques pour l’humanité.

– Un dynamisme et une imagination des nouvelles générations qui feront qu’ils arriveront à trouver des solutions pour surmonter les menaces susceptibles de leurs être fatals. Non seulement faire de multiples découvertes scientifiques et créations technologiques innovantes. On peut ainsi envisager bien des possibilités nouvelles liées aux applications des lasers, des imprimantes 3D (création de vêtements, meubles…), du nano et du quantique.

Cela ouvrira de nouvelles possibilités de transport et déplacement :

– petits véhicules volant ou amphibies, sans conducteur, contrôlés par des automates ;

– avancées dans exploration spatiale, colonies spatiales, voire voyages intergalactiques…

Mais il leur faudra aussi, certainement, adopter des comportements plus appropriés.

D’ailleurs, parmi tous ces changements futurs, les plus déterminants seront probablement ceux qui étendront leurs possibilités des hommes et surtout repousseront les limites sociales, en apportant des améliorations qui répondent à leurs aspirations fondamentales. Pour avoir un tel projet pour l’avenir donnant envie de chercher le chemin pour l’atteindre, il faut être capable de se représenter une vie meilleure et rêver des utopies qui la réalisent.no

Roches en travers du chemin
Compréhension interculturelle

Les civilisations de notre temps sont en péril. Que faire ?

Réveillons-nous ! Les civilisations modernes sont en dérive. Leur crise est flagrante quand on examine leurs tendances dans au moins sept domaines : vitesse, consommation, virtuel, individualisme, insécurité, droit et vérité. Pourquoi est-ce si important ?

En simplifiant, on peut relever que…

1- Tout d’abord, tout change constamment et cela s’accélère. Nous vivons dans l’instantané, l’immédiat (cf. accès aux nouvelles en continu) et sommes stimulés en permanence par des messages souvent à la fois urgents et vides (en particulier des appels et S.M.S. téléphoniques et sur les réseaux sociaux…). Il en résulte que nous sommes fascinés par la vitesse et entraînés par l’accélération et l’instabilité du monde. Nous avons alors le sentiment que l’avenir nous échappe, cessons de croire au progrès et finissons par ne plus rechercher, en contrepartie, que des jouissances immédiates… et avons un désir exacerbé de « profiter » de tout ce qui passe…

2- Nous développons alors le désir obsédant de gagner du temps, que tout soit facile… et de pouvoir, notamment, échapper au travail. Nous avons une envie constante de loisirs. Cela finit par une recherche obsessionnelle de « se faire plaisir », de jouer et d’autres préoccupations futiles… Cela débouche sur une focalisation sur le matériel, le confort, le bien-être, l’utilitarisme… et le besoin un adolescent d’avoir « tout, tout de suite ». D’où émergent des envies insatiables, une consommation avide et sans limite, y compris du superflu, stimulée par la publicité. Jusqu’à la recherche continuelle de possession : avoir toujours plus.

3- La technologie nous entraîne à une immersion dans les échanges d’images et le virtuel (cf. livres audio, casques de réalité virtuelle, hologrammes impressionnants, etc.), au risque qu nous confondions le fictif et la réalité. Nous finissons par être constamment obsédés par l’apparence, incités à échapper au réel et confrontés à la violence gratuite et sans limite des passages en force que véhiculent des vidéos qui suscitent des émotions exacerbées. Jusqu’à ce que de plus en plus d’entre nous soient tentés par toutes sortes de drogues.

4- C’est alors l’individu qui prévaut, avec la recherche permanente de chacun d’affirmer son existence personnelle et son indépendance… et la mise en avant de ses propres intérêts, indifférente aux autres. Nous sommes obsédés par nous-mêmes, « moi d’abord » et « chacun pour soi », ce qui exacerbe les jalousies interpersonnelles. Nous avons un souci narcissique permanent de notre propre image et de la façon dont nous sommes perçus et sommes constamment désireux d’être reconnus par les autres. Ce qui entraîne paradoxalement, dans un monde où les communications se multiplient, une augmentation de la solitude de chacun.

Le « moi, je » aboutit à la fluctuation des engagements, jusqu’à la déstructuration des familles, dont témoignent la fréquence des séparations et divorces.

Cela débouche aussi sur l’exacerbation des revendications et exigences catégorielles, chaque groupe se disant constamment victime de discriminations. Il en résulte, de plus en plus souvent, des affrontements entre minorités et des divisions sociales accrues.

5- Parallèlement, nous développons, inconsciemment, un souci obsédant de sécurité. Nous perdons confiance en qui ou quoi que ce soit, en arrivons à aspirer à toutes sortes de surprotection, faisons appel au principe de précaution, même dans des situations sans risque catastrophique… et considérons que la protection de la vie passe avant tout. Il n’y a plus de héros… et plus guère de valorisation du courage.

6- Chacun n’est plus préoccupé que par ses droits et exige la satisfaction de ses aspirations particulières. On oublie ses devoirs vis à vis d’autrui et on agit sans règles, sans interdits.

D’où une véritable « crise de l’éthique », dans laquelle on n’arrive plus à convenir de ce qui est « bien » et de ce qui est « mal ». Notamment, les idéaux humanistes d’égalité, de solidarité, de justice sociale sont perçus comme naïfs et obsolètes.

Cela fait que notre société est clivée entre ceux qui ne croient plus en Dieu… et ont trop souvent tendance à ne rien respecter et ceux qui ont des croyances ethnico-religieuses fanatiques, manichéistes et dogmatiques, qu’ils tentent de répandre en s’appuyant sur une carence éducative des masses de jeunes, qui facilite la transmission de certitudes erronées et illusoires.

Avec le mouvement de pensée qui, surtout depuis 1968, met à mal les points de repère des valeurs de référence traditionnelles, on voit s’étendre une aspiration revendicative à une liberté individuelle sans limite, alors que la liberté ne saurait pourtant être sans réserve. Cela ne fait qu’aboutir à une tendance générale à l’irresponsabilité.

7- Tout ceci ne tient que par la multiplication des déformations, dissimulations, dénis, mensonges, tricheries et autres vérités parallèles, fabriquées sur mesure pour conforter des certitudes simplistes. Comme s’il n’y avait plus de réalité sur laquelle compter.

Ne conviendrait-il pas de dénoncer ces dérives ?

L’accélération ne nous empêche pas de rechercher des constantes et préparer l’avenir (1). Il devient vital de ne pas nous laisser entraîner par les apparences (3) et de ne pas nous mentir (7). Notre monde est confronté à des risques démographiques, écologiques, sanitaires et économiques, qui menacent nos vies. Nous ne les surmonterons que si nous arrivons à y œuvrer ensemble (4), à prendre le risque de certains engagement courageux (6) et faisons en sorte de maîtriser nos consommations (2). Cela suppose que nous soyons capables de nous astreindre à poursuivre des objectifs et acceptions de partager les astreintes, les efforts et les gains (5).

LES DIFFÉRENTES CULTURES

A quels conflits géostratégiques s’attendre, dans les prochaines décennies ?

Il y a 150 ans, les premières puissances mondiales étaient le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France… Au vingtième siècle, profitant des guerres mondiales, les Etats-Unis les ont supplantées… et l’Orient est revenu au premier plan. De 1945 à 1989, le monde a été caractérisé par la guerre froide entre la démocratie libérale des U.S.A. et le communisme soviétique de l’URSS. Depuis, le libéralisme et la mondialisation des économies, sont devenus déterminants. La facilitation technique des communications et transmissions électroniques font que les échanges se poursuivront, dans la plupart des métiers, Tous les pays resteront étroitement connectés et interdépendants. Quelles menaces faudra-t-il, alors, prévenir ?

Avec le développement des pays émergents d’Extrême Orient, la part de marché des pays avancés d’Amérique du Nord et d’Europe, dans la production industrielle mondiale, diminue. Ce sont d’ailleurs tous les pays développés qui reculent relativement, même en Asie, puisque les experts prévoient que le Japon passera du 4ième au 8ième rang des économies terrestres, la Corée du Sud du 13ième au 18ième rang et l’Australie du 19ième au 28ième rang.

Nous sommes donc entrés dans la domination du monde par les pays émergents d’Asie. Non seulement leur progression démographique les place au premier plan, mais ils représentent déjà plus de 50 % de la production industrielle mondiale. La Chine est en train de devenir la première économie mondiale, devant l’Inde. La Chine et l’Inde devraient atteindre, en 2050, 35% du PIB mondial, soit 10 points de plus qu’en 2016. L’Indonésie, devrait, alors, être la quatrième économie mondiale. Le Vietnam, l’Inde et le Bangladesh pourraient connaître la croissance la plus rapide, sur la période 2016-2050. Le Pakistan, les Philippines, la Malaisie et le Vietnam devraient ainsi se retrouver parmi les 20 premières économies mondiales

La Chine, qui a connu une croissance économique fondée sur une main d’œuvre abondante à bas coût et sur des emprunts de savoir-faire à l’étranger et des subventions aux entreprises d’Etat, a effectué une modernisation rapide et est devenue un gigantesque empire. Son économie est prospère et son dynamisme entrepreneurial et ses innovations technologiques multiplient ses succès. Elle est dirigée par un régime autoritaire, qui ne cache pas son objectif de réaliser le rêve de rétablir la gloire de la Chine, en restaurant les frontières de l’empire Qing. Elle aspire à devenir le pays de la terre le plus riche et le plus puissant économiquement, technologiquement et militairement. Cette volonté de domination, y compris idéologique, se traduit dans un impérialisme conquérant, au moins à l’échelle régionale, avec des pressions violentes sur certains citoyens (cf. envahissement du Tibet, répression des Ouïgours, fin de la formule « un pays, deux systèmes » à Hong Kong…) et des ambitions territoriales manifestes (notamment récupérer Taïwan, avec qui Xi Jinping, disait, en 2019, que « la réunification se fera inéluctablement », quitte à devoir « utiliser sous les moyens, y compris la force »). Au niveau planétaire, cette ambition se traduit par le projet des « nouvelles routes de la soie », qui vise à donner à la Chine un accès à tous les marchés. Pour cela, la Chine peut traditionnellement compter sur la volonté collective de son peuple de soutenir le commun. En même temps, les libertés individuelles sont limitées par des pouvoirs publics puissants, qui font tout pour neutraliser toute velléité d’indépendance, utilisant la high-tech pour surveiller la population et allant jusqu’à employer le travail forcé. Cependant, la Chine a des fragilités économiques, politiques et démographiques. Elle contrôlait l’exportation des « terres rares » nécessaires à la production des technologies modernes, mais elle est de plus en plus confrontée à des rivaux. Elle a à résoudre d’importants défis environnementaux. Surtout, elle connaît une chute de sa natalité, provoquée par une baisse du nombre des naissances, malgré le rétablissement, depuis 2015, de la possibilité d’avoir plusieurs enfants. Il en résulte une explosion du nombre des retraités et des pénuries de main d’œuvre. La Chine sait que, pour soutenir sa croissance, elle devra augmenter les possibilités de consommation de sa population. Elle fera en sorte de rester, la « manufacture du monde », en sous-traitant de plus en plus aux pays du Sud-Est asiatique qui décollent économiquement. Elle sait aussi qu’il lui faudra tenir compte des réactions des jeunes générations, qui, connectées aux réseaux sociaux, aspirent à une certaine démocratisation.

Parallèlement, la fédération de Russie fait tout pour être toujours reconnue comme un acteur international majeur. Elle a effectivement des atouts indéniables. Ainsi, son territoire est immense, ce qui est un atout pour l’exploitation des ressources naturelles et énergétiques. Mais elle a aussi des faiblesses. Son économie reste très dépendante des hydrocarbures, ce qui lui confère une force par rapport à l’Union Européenne, dont 30 % du brut et 40 % du gaz naturel proviennent de Russie. Mais ses exportations risquent de ne pas être durables à long terme, compte tenu du développement des énergies renouvelables… D’ailleurs, la Russie n’a qu’une part modeste dans l’économie mondiale et son PIB n’a cru que de 1 % en moyenne, entre 2012 et 2019 ! Enfin, son handicap déterminant est peut-être que sa population est très limitée et décroissante… Dans ce contexte, menacé d’instabilité, le gouvernement, désireux de réaffirmer la puissance de la Russie et obsédé par son accès à la mer (cf. annexion de la Crimée et appui au gouvernement autocratique de Syrie), entretient ses technologies militaires avancées, serait prête à des démonstrations de force « asymétriques » pour faire pression sur les pays environnants… et s’avère capable d’utiliser tous les moyens pour limiter toute contestation journalistique ou politique : lois restrictives, répressions avec arrestations des personnalités critiques, censure et bannissement de plusieurs médias, voire assassinats d’opposants… Toutefois, compte-tenu de sa faiblesse économique, la Russie développe ses attaques à l’étranger par les technologies, en s’appuyant sur des hackers, pour s’approprier des données, endommager ou bloquer des dispositifs informatiques, ou diffuser des désinformations et manipuler des élections, afin d’affaiblir, effrayer ou diviser les démocraties libérales.

On assiste aujourd’hui à l’instauration de coopérations entre Chine et Russie, dans les domaines de l’économie, des technologies de pointe, de la défense et la diplomatie. Ces deux pays aspirent à modifier le statu quo international qu’elles jugent contraire à leurs intérêts et visent à « reformater » l’ordre mondial, avec l’adoption de nouveaux instruments de gouvernance. C’est la renaissance d’un monde multipolaire dans lequel s’affrontent des pôles antagonistes.

On ne peut ainsi que constater la montée de régimes autocratiques, anti-occidentaux, nationalistes, impérialistes et répressifs, hostiles aux valeurs telles que la liberté, les droits de l’homme, ou l’Etat de droit et revendiquant une légitimité universelle de leurs idéologies et morales, opposées à celles des démocraties. Cela ne les empêche pas d’avoir adopté le modèle économique du libéralisme, dont la réussite est fondée sur le dynamisme qu’induit la place faite aux intérêts personnels, y compris dans des pays aux politiques inspirés du communisme.

On peut ainsi s’attendre à ce que l’antagonisme sino-américain soit durable et structure la prochaine décennie. La force relative de la superpuissance américaine semble s’affaiblir, relativement. Cependant les Etats-Unis conservent trois atouts déterminants :

Tout d’abord, les U.S.A. ont une économie florissante fondée sur le libéralisme, la privatisation, l’incitation à la consommation et le commerce mondialisé, qu’il lui faut compenser par une politique étrangère qui met en avant les intérêts de sa classe moyenne laborieuse. Tout ceci induit un déficit structurel du commerce extérieur américain, qui ne tient que parce que le dollar est la principale monnaie de financement des échanges internationaux. Ainsi, quoi qu’ils affirment, la promotion des droits de l’homme et de la démocratie n’est pas toujours le premier intérêt des Américains. D’ailleurs son Histoire est celle d’une nation d’immigrants qui a façonné son caractère violent et belliqueux, qui peut être à l’origine de relations conflictuelles.

Par ailleurs, les Etats-Unis ont une expertise technologique de premier plan : la plupart des concepteurs de puces électroniques sont installés aux Etats-Unis. Les U.S.A. sont ainsi engagés dans une course à l’innovation dans les technologies de pointe.

Enfin, le budget militaire colossal des U.S.A. lui confère une puissance déterminante, même si elle ne représente plus que 3,4 fois celle de la Chine. Mais est-elle toujours efficace ?

Les U.S.A. défendent ainsi avant tout leurs propres intérêts à court terme, notamment ceux de leurs propres multinationales, par des accords commerciaux de libre-échange et abusent, pour cela, de leur législation extraterritoriale… Mais, pour peser dans les échanges mondiaux, les Etats-Unis ont besoin d’un réseau de pays partenaires, tels que ceux de l’Otan (Canada, Royaume Uni, U.E.), le Japon, l’Inde et l’Australie, mais aussi les pays non alignés d’Asie du Sud-Est (Taïwan, Corée du Sud, Philippines…), du Moyen Orient (Israël, Egypte, Jordanie…) et d’Afrique (Afrique du Sud). Mais cela suppose la conciliation de ses intérêts avec ceux des autres, qui sont souvent multiples… et parfois contradictoires. Les démocraties sont ainsi divisées par des divergences (par exemple fiscales), qui entament leur confiance mutuelle. Elles ont même une faiblesse interne, du fait des divisions qui les caractérisent, puisque la consommation, qui y a une place centrale, incite les citoyens à se préoccuper seulement de leurs intérêts personnels à court terme et se soucier peu des équilibres mondiaux. Or tout le monde a le droit d’y défendre ses opinions et les oppositions sont attisées par les réseaux sociaux.

Quelle est, alors la perspective de l’Europe. Sa place relative recule. Elle ne domine plus le monde et n’écrit plus l’Histoire, comme pendant plusieurs siècles. Il faut dire que les Européens ont été si fiers de leurs idées qu’ils ne les ont pas protégées et ont laissé leurs fleurons technologiques et économiques partir à l’étranger… L’Europe supporte aussi une immigration islamique, qui fait que 10 à 20 % de sa population est de confession musulmane, ce qui crée des tensions et éveille des phobies de l’islam. On assiste alors à une prolifération des nationalismes et des tentations des repli souverainistes et protectionnistes. Les mésententes entre les pays qui composent l’Europe décrédibilisent alors sa diplomatie. Ce sont les décisions de ses rivaux et adversaires qui décident du futur de l’Europe. Pourtant celle-ci reste puissante par son marché… et a, par son économie et sa culture, un rôle à jouer, du moins si elle consolide ses coopérations internes et son union et fait un effort suffisant pour financer ses innovations…

L’avenir du monde s’écrit donc principalement en Asie, mais aussi dans certains pays d’Afrique et du Moyen-Orient puisqu’on peut prévoir que la Turquie passe, de 2016 à 2050, de la 14ième à la 11ième place du classement mondial des économies, l’Egypte de la 21ième à la 15ième place et le Nigeria de la 22ième à la 14ième place. Le continent africain, aux ressources gigantesques, connaitra alors une explosion démographique. Il faudra certainement compter avec l’énorme potentiel du marché des consommateurs africains, qui se développe rapidement. Cependant, la jeunesse pourrait s’y laisser convaincre par les séditions religieuses armées, génératrices d’insécurités, instabilités politico-juridiques, conflits entre pays et guerres civiles. Le renforcement du contrôle des Etats dépendra alors des compétences et de la motivation, donc de la rétribution, de la discipline et de la loyauté des forces armées régulières. L’Afrique aura besoin d’assistances. Au cours des dernières années, on y constate une implantation de la Chine, qui profite des retraits des pays développés pour avancer ses pions (financement d’infrastructures, contre obtention de ressources naturelles…). Dans une moindre mesure, l’Inde, la Russie, les Emirats Arabes Unis et la Turquie font de même. L’Afrique sera donc, de plus en plus, une zone de lutte d’influence entre ces pays, l’Europe et les U.S.A..

Au Proche- et Moyen-Orient, il persistera des divergences durables entre Arabie Saoudite, Iran, pays du Golfe, Turquie, Egypte, Algérie, Tunisie et Israël. Il continuera à y avoir un antagonisme entre sunnites et chiites, des tensions incessantes et une dislocation des Etats, sauf sans doute en Israël, en Iran, en Turquie et au Maroc, qui poursuivront des visées impérialistes. Par l’accroissement de leur population, les pays arabo-musulmans exerceront une pression démographique, notamment sur Israël. Mais ils peuvent aussi subir de rapides dégradations de leurs situations économiques, comme celle que connaît actuellement la Turquie : captation des profits de secteurs entiers par des proches du pouvoir, inflation et effondrement de la monnaie nationale, accroissement du poids des importations, hausse de la dette, fuite des investissements étrangers, chute du pouvoir d’achat de la population et du PIB par habitant. Ils dépendront donc de l’étranger. Ainsi, faut-il tenir compte des U.S.A., qui ont toujours défendu Israël, notamment au Conseil de sécurité de l’O.N.U., pour l’application des sanctions votées. Depuis 1948, l’Etat Hébreu a ainsi reçu des Etats-Unis 146 milliards de dollars d’aide, dont près d’un tiers pour sa défense, ce qui fait d’Israël le plus grand bénéficiaire d’une aide militaire américaine. Parallèlement, la Chine négocie des contrats d’assistance et de coopération à la fois avec l’Arabie Saoudite et avec l’Iran. Au point que 73 % des jeunes du monde arabe citent la Chine comme étant un allié et qu’aucun pays musulman ne critique sa répression des Ouïgours… Le développement économique des pays du Moyen-Orient pourrait alors augurer de changements dans les sociétés musulmanes. Les séculiers et athées y sont, comme partout, de plus en plus nombreux. Mais, simultanément, le renforcement de l’islamisme radical continuera à nourrir le prosélytisme des extrémistes politique, qui exercent une pression terroriste allant jusqu’au génocide des autres minorités ethniques ou religieuses et oeuvrent pour la désagrégation des autres cultures et la déstabilisation des sociétés des pays avancés, y compris la Chine et la Russie. Ils revendiquent ainsi clairement une guerre civilisationnelle, à laquelle la jeunesse des nations arabo-musulmanes pourrait être sensible.

Au-delà de ces tensions locales, on peut s’attendre, avec l’expansion démographique mondiale, à des tensions et conflits pour le contrôle de l’accès aux ressources naturelles… Les rapports de force resteront tendus. Le renforcement des armements, au point que les budgets qui y sont consacrés sont douze fois plus élevés que ceux consacrés à l’aide internationale, menace la paix.

Mais on peut probablement compter que les dirigeants des grandes puissances continueront à comprendre que le commerce rapporte plus que la guerre. Il est primordial qu’ils restent conscients qu’il est dans leur intérêt de préserver les échanges et coopérations entre les nations.

PRATIQUES CULTURELLES

Comment contribuer à l’instauration d’un peu plus de rationalité ?

Ayant, ma vie durant, enseigné la méthodologie et accompagné des démarches visant à instaurer un peu de rigueur dans les réflexions de mes contemporains, je suis affligé de constater que les manières de raisonner que je relève sur les réseaux sociaux sont pleines de défauts et de failles :

– propension à tout vouloir résoudre dans l’urgence et attendre des résultats immédiats ;

– problèmes mal posés, en termes de solutions et de moyens, plus que d’écarts à combler entre des aspirations et des motifs d’instisfaction ;

– envahissement par les croyances a priori et les réactions émotionnelles spontanées irréfléchies, y compris les plus irréalistes… et confusion entre croire et savoir, entre les aspects de la réalité et ses propres points de vue. Ce n’est pas parce qu’on le croit que c’est vrai et que ses croyances sont légitimes. Difficulté de remettre en question ses convictions personnelles, considérées d’emblée comme étant des certitudes ;

– valorisation incessante des comparaisons avec les autres (plutôt qu’avec soi-même, dans le temps, ou avec les objectifs qu’on a pu se fixer), ce qui induit un repli sur soi et ses groupes d’affinité… et l’exigence d’un égalitarisme, qui nous éloigne de toute équité ;

– tendance à se conformer aux assertions et pratiques collectives, comme si le fait que tout le monde le pense en faisait une vérité, ce qui restreint notre liberté ;

– analyses fondées sur des informations non fiables, faute de se référer à ce qui est observable, constatable, factuel, du fait d’un discrédit de la vérité (merci aux promoteurs des fake news et de la déconstruction !) ;

– écoute lacunaire des apports des autres ;

– raisonnements, sans approfondissements, fondés sur des déductions d’une logique binaire qui considère que tout ne peut être que vrai ou faux, jamais incertain, ambigu ou ambivalent. Ce qui ne permet pas d’appréhender les effets d’instabilité caractéristiques du temps, qui font que ce qui vit, change et devient constamment autre, tout en restant le même ;

– analyses explicatives qui n’exploitent pas les contradictions et ne tiennent pas compte des interactions et rétroactions, ce qui limite la rationalité de nos explications ;

– dépendance d’automates qui effectuent des rapprochements qu’on ne maîtrise pas, qui débouchent sur des interprétations et conclusions hasardeuses ;

– mise en avant, au moment des décisions, d’aspirations individualistes au détriment des intérêts communs, du collectif et des coopérations fraternelles.

Je cherche désespérément comment contribuer au dépassement de ces travers.

PRATIQUES CULTURELLES

Je parie pour la paix, essai de prospective géopolitique

Les transformations décrites dans mon ouvrage « Dépasser les antagonismes interculturels Un défi vital pour le monde » semblent confirmées par les évolutions que nous constatons actuellement, qui me font présager une poursuite de la recherche de la compréhension mutuelle et de la paix d’ensemble entre les peuples, au-delà des inévitables tensions et affrontements.

La facilitation des communications quasi-instantanées et des transports, à l’échelle du globe, entraîne inévitablement la mondialisation des échanges. Toutes les grandes nations ont pris conscience que leur prospérité était fondée sur les coopérations globales… et qu’elles avaient plus à gagner au commerce qu’aux hostilités.

Cette « internationalisation de l’économie contraint à des échanges constants avec l’étranger. La globalisation de la production et de la consommation confronte à des interlocuteurs de toutes les origines…  Les autres sont… en train de devenir à la fois nos adversaires et nos partenaires. Il est nécessaire, pour être en mesure de coopérer avec eux, ou de résister à leurs offensives » (page 112), de se connaître et arriver à dépasser ses divergences culturelles.

On a ainsi assisté, « avec l’O.M.C., au décollage des nouveaux acteurs, en particulier en Asie… Il en résulte… un extraordinaire développement des pays émergents, fondé, dans une large mesure, sur un soutien public énergique » (page 118) et un basculement du centre du monde vers l’Orient et l’Asie. Même si la Chine ne peut plus, désormais, maintenir sa position dominante d’usine du monde qu’en intensifiant ses sous-traitances avec les Etats d’Asie du sud-est et Océanie, qui deviendront aussi, de plus en plus, acheteurs de ses productions. Et s’il lui faut aussi, aujourd’hui, passer progressivement à une économie reposant sur l’accroissement des revenus et de la consommation de sa population.

Alors, les réussites économiques de la Chine et la Russie communistes, ne passent plus par les nationalisations et collectivisations. Elles sont fondées sur des réussites face aux concurrences, qui débouchent sur des enrichissements individuels.

Tout ceci repose sur un tissu de transactions financières nourries par un endettement général croissant. Or la finance suppose la préservation d’une confiance mutuelle minimale.

Cette mondialisation rend inexorablement les nations interdépendantes. Les dégradations écologiques actuelles ne font que l’accentuer. Il faudra bien que les peuples s’entendent pour surmonter les dégradations de la nature que leurs pratiques ont provoquées, qui s’étendent au-delà de leurs frontières, apportant des conséquences néfastes climatologiques et sanitaires.

Je ne crois donc pas à l’émergence de conflits mondiaux, quelles que soient les divergences entre les peuples.

Même s’il restera de multiples occasions de compétitions et d’affrontements.

Avec l’accroissement démographique de la population mondiale, il y a aura nécessairement un épuisement ou, au moins, une raréfaction des ressources naturelles, qui induira des concurrences et compétitions entre les peuples pour leur obtention.

La financiarisation de l’économie mondiale provoque des inégalités croissantes, qui pourront entraîner des tensions et conflits violents.

On assiste au déclin relatif, notamment démographique, de la Russie, qui aura à cœur de compenser ce repli en intensifiant ses interventions à tous les niveaux.

Rien n’empêchera que quelques-uns essaient ponctuellement de mener des actions pour dégager des avantages et profits personnels. Ce qui induira probablement une multiplication des cyber-agressions, notamment russes et chinoises.

Ainsi, peut-on s’attendre à ce que la Russie et la Chine, qui respectent leurs souverainetés et leurs zones d’influence respectives et veillent à ne pas interférer dans les affaires internes l’une de l’autre, s’allient pour la création d’un monde multipolaire et d’instruments de gouvernance internationale remplaçant ceux des Américains (monnaie de réserve mondiale…).

Tandis que les U.S.A. feront en sorte de rester le peuple le puissant économiquement et technologiquement. Ils continueront à être les premiers producteurs et exportateurs d’armes. Au cours des 5 dernières années, ils ont ainsi réalisé 37 % des ventes d’armes mondiales, tandis que la Russie en a effectué 20 % et la France 8 %. Mais les U.S.A. prendront conscience que leur « guerre au terrorisme, n’a fait qu’exacerber les conflits, tout en laissant s’instaurer bien des injustices (massacres de démocrates dans divers pays…) » (page 117) et ils ne voudront plus assumer une fonction de supervision des équilibres mondiaux. Ils joueront seulement de leur poids dans les rapports de force entre Etats, pour défendre leurs intérêts avant tout. Ce qui érodera inévitablement la force des alliances du bloc occidental. Il est d’ailleurs clair que la prééminence des Occidentaux vieillissants est chancelante. L’« Occident » (U.S.A., Europe, Japon…) fera inévitablement face à l’érosion de son antériorité de supériorité technologique.

Il sera ainsi difficile d’éviter l’affaiblissement de l’Europe qui a à surmonter de multiples difficultés, à commencer par les différences culturelles entre les Etats qui la composent et son risque d’envahissement d’ethnies venues d’autres continents, ayant des racines religieuses hétérogènes. L’Europe a les moyens de maintenir sa place, car c’est le premier marché au monde. Mais aucun des pays qui la compose n’a un poids suffisant pour avoir, à lui seul, un rôle significatif à l’échelle mondiale. Il lui faut donc consolider sa cohésion, rénover ses institutions et s’investir plus dans des domaines déterminants. Son premier défi est de renforcer sa compétitivité : protéger ses atouts et développer ses potentiels actuellement sous-exploités : culture économique, investissement en R&D, motivation/dynamisme, relance de l’éducation et de l’ascenseur social, etc.). « L’Europe a besoin d’un second souffle, c’est-à-dire l’affirmation d’une volonté commune, autour d’une idée fédératrice ». Il lui faut, pour cela, « se fixer un projet volontariste mobilisateur mettant en avant l’intérêt général, composé d’objectifs tangibles, dont les populations puissent mesurer l’atteinte » : « actions coordonnées pour l’écologie, coopération scientifique et technologique, mise en commun de moyens de défense, harmonisation des fiscalités, consolidation de la culture européenne » (pages 183 à 190).

S’il y a des conflits armés, ils devraient être limités, provoqués par des mouvements de population, des exigences de souveraineté ou des affrontements entre religions et cultures, que « Le choc des civilisations » de Samuel P. Huntington avait anticipé.

En effet, l’Occident est « un bloc uni, cimenté par un corps de principes : démocratie, droits de l’homme, Etat de droit, liberté de la presse, indépendance de la justice, mobilité sociale et créativité technologique » (page 121). Francis Fukuyama, avait « prédit, dans « La Fin de l’histoire et le dernier homme », que la fin de la guerre froide marquerait la victoire du libéralisme sur les autres idéologies… grâce à la prospérité… Effectivement, au cours des dernières décennies, l’économie de marché s’est étendue, y compris aux anciens pays communistes » (page 62).  Mais cela n’a pas entraîné pas l’adoption par tous du modèle des U.S.A., du capitalisme et de la démocratie.

Ainsi, l’accès à la consommation et la prospérité par la population chinoise induira inévitablement des transformations de ses exigences. Il y aura certainement des accroissements des égoïsmes personnels. Mais l’héritage culturel Han continuera à valoriser la domination impériale et l’attachement à la collectivité nationale, à l’encontre des valeurs et pratiques anglo-saxonnes, souvent faites de libertés individuelles et d’objectifs à court terme.

Pour tenter de maintenir leurs positions, les Occidentaux chercheront de nouvelles alliances, comme l’illustre la création du « Quad », structure régionale de la zone pacifique, réunissant les U.S.A., les Australie, le Japon et l’Inde.

Cette dernière pourrait, à terme, surplanter la Chine, avec laquelle elle a une frontière de 3500 km, dans l’Himalaya, du moins si le national-populisme de Narendra Modi (formule de Christophe Jaffrelot) réussit à fédérer un peuple dynamique, mais complexe et aux traditions pesantes.

Il pourra donc y avoir partout des mises en cause des valeurs par des courants et régimes autoritaires, démagogiques, xénophobes et nationalistes (Russie, Chine, Europe orientale…).

Des conflits pourraient alors prendre la forme de tensions politiques internes à des pays industrialisés, en Occident, Chine ou Inde.

Mais les conflits armés résultant des migrations de population, exigences de souveraineté et des affrontements entre religions et cultures, apparaîtront surtout dans deux autres continents.

La disparition de l’Etat soviétique a suscité, il y a plus de 30 ans, « l’émergence sur la scène mondiale de nombreux pays, aux Etats parfois faibles et/ou sans société civile constituée… La fin de la guerre froide a laissé le champ libre aux appétits d’acteurs régionaux… Cela a provoqué la prolifération de… puissances moyennes… régionales comme la Turquie et l’Iran et de structures informelles d’« entrepreneurs de violence », tels que Daech. Les gouvernements et populations de ces Etats moyens s’affrontent (cf. Balkans, Israël et Arabie Saoudite contre Iran, Turquie et Russie en Syrie, etc.). Il en résulte une multiplication des antagonismes et des conflits, partout, sur la planète. Ces Etats adhèrent plus ou moins aux règles du jeu traditionnelles, quitte à aggraver le chaos (cf. Afghanistan, Irak, Mali, Somalie…). La Turquie s’émancipe, par exemple, de sa loyauté à l’Otan, en décidant d’acheter des armes à la Russie et en engageant des offensives militaires contre les Kurdes dans le nord de la Syrie » (pages 118 et 119). Le Proche-Orient, mais aussi l’Asie sont ainsi devenus des régions poudrières. « Il y a partout des agitations et des redistributions des pouvoirs, des tentatives révolutionnaires, des renversements des rapports de force… en même temps que des résistances aux évolutions… On le constate par exemple dans les pays d’Europe orientale et d’Asie centrale (Ukraine, Caucase, Géorgie…), avec l’indépendance de certains territoires » (page 116). Il faudra vivre avec ces agitations et les contenir. Ce qui suppose une coopération entre les blocs, donc une adhésion, de leur part, à quelques valeurs de base communes.

Enfin, dans les prochaines décennies l’Afrique sera marquée par une formidable croissance et jeunesse de sa population, qui, ayant un accès, par téléphone portable, à toutes les réalités enviables qui existent dans le monde, aura de fortes ambitions. Cela rend ce continent susceptible d’être contaminé par des agitations idéologiques et religieuses, qui risquent d’en faire un terrain de tensions incessantes. Cependant, toutes les autres nations seront attirées par les ressources naturelles et les possibilités de production et de consommation des populations d’Afrique. Face à la fois à ses instabilités et à ces opportunités, l’Afrique profitera de toutes les alliances possibles et devrait arriver à maintenir un équilibre précaire. Toutefois, forte de ses expériences coloniales, elle veillera à tout faire pour préserver son indépendance.

En conclusion de toutes ces observations, parions que l’intelligence des hommes fera que la terre restera, d’ensemble, en paix, tout en n’évitant pas les agressions locales.

Compréhension interculturelle

Peut-on espérer une paix durable entre les hommes ?

Même si la violence n’est pas dans la nature humaine, elle est néanmoins présente chez certains, ce qui provoquera inévitablement des conflits. Cependant, aujourd’hui, comme je le montre dans « Dépasser les antagonismes interculturels Un défi vital pour le monde », les actions de quelques-uns peuvent être fatals à toute la vie sur terre. Il est donc indispensable et possible de limiter les conflits armés. On le peut si l’on est convaincu que c’est nécessaire, en employant une force non violente résolue.

Si l’on pense que la nature humaine a le mal en soi, comme le disaient notamment Saint Augustin, Machiavel, Luther, Hobbes, ou Adam Smith, les hommes auraient inexorablement une hostilité aux autres. IL en résulterait qu’l y aurait toujours des agressions et des guerres.

« Pour justifier ces antagonismes, certains évoquent que l’évolution résulte… de la lutte pour l’existence (« struggle for life ») décrite par ùDarwin : historiquement, la sélection des individus proviendrait d’un affrontement compétitif…, à l’issue duquel ne survivaient que les plus forts et agressifs, éliminant les autres… Pourtant, on sait aujourd’hui que des processus d’entraide, y compris entre espèces, ont été déterminants… Ceux qui ont survécu ont dû s’appuyer sur d’autres et protéger les leurs, au moins leurs progénitures » (page 240).

Pour ma part, je pense que les hommes ne sont naturellement ni bons, ni mauvais. Tout dépend de leur éducation et de leurs expériences.

Ce que j’ai observé, durant toute ma vie professionnelle, c’est que, couramment, entre 10 et 20 % des gens s’efforcent de faire le bien et ont le souci des autres, tandis qu’entre 10 et 20 % des humains ignorent ou transgressent systématiquement leurs obligations sociales et tentent constamment de vivre aux dépens des autres. Il reste entre 60 et 80 % de la population, qui respectent habituellement leurs devoirs, mais profitent aussi des occasions, sans se gêner.

S’il en est bien ainsi, il en résulte trois conséquences :

– On ne peut pas, pour instaurer la paix, compter sur la diffusion d’un discours moral, qui ne convaincrait sans doute qu’une minorité.

– Il importe plutôt de faire en sorte que la majorité perçoive qu’il est dans son intérêt de tenir compte des autres, essayer de comprendre leurs intérêts et coopérer avec eux.

– Il restera toujours une marge de malfaisants, qui chercheront constamment à nuire.

Il y aura donc probablement toujours des antagonismes entre les hommes, à des degrés divers : méfiances interpersonnelles, hostilités et agressions, tentations de certains, surtout les plus puissants, d’user de la force, pour laquelle les possibilités économiques et militaires sont déterminantes, pour faire valoir leurs propres intérêts ou croyances, écraser les oppositions et l’emporter, utilisation de la violence pour faire fléchir ou même détruire ses adversaires, brutalités qui l’emportent sur la raison, meurtres et guerres.

Quelles sont les raisons pour lesquelles se développent ces antagonismes interpersonnels ?

Parfois on observe des réactions hostiles, sous prétexte de se défendre des attaques des autres.

Il arrive aussi que les tensions interpersonnelles résultent simplement de rivalités fraternelles.

Il restera toujours des intérêts antagonistes et des concurrences pour les ressources, le rang, ou le pouvoir. Ce qui peut induire des réactions susceptibles d’entraîner des conséquences néfastes. Il est pourtant de très nombreuses situations dans lesquelles la coopération serait plus fructueuse. J’ai pu le démontrer dans l’expérience « que je cite dans mon ouvrage sur « La décision », pages 147 à 160. Il s’agissait… d’étudier des choix de groupes, dans des situations dans lesquels les résultats qu’ils obtiennent dépendent aussi des décisions de leurs adversaires. Spontanément, la plupart des groupes… « s’enferment dans un comportement suicidaire d’antagonisme à l’égard des autres… Ils ne se posent même pas la question de leurs propres objectifs… et leur analyse des opportunités de la situation est… presque toujours… insuffisamment rigoureuse… Seule une possibilité de négociation entre les groupes permet d’élaborer une stratégie commune… à condition qu’elle ne soit pas d’emblée bafouée par une trahison, qui rend évidemment improbable, pour la suite, la confiance nécessaire » (page 104). Pourtant des désaccords le partage des biens ne débouchent pas nécessairement sur des conflits. On peut décider d’un partage pacifiquement. Mais il y aura toujours des gens pour qui la compétition est confondue avec la recherche de « l’élimination ou, même, de la destruction de ses adversaires… Alors que l’existence d’antagonistes peut être bénéfique pour se renforcer… et peut même être profitable à tous, comme l’ont démontré les succès économiques du libéralisme, notamment pour le développement des pays émergents » (page 104).

Il restera encore éternellement des égoïstes et des cupides, qui ne se soucient que de défendre leurs propres intérêts et exploitent les autres : « Il est normal que chacun s’efforce d’améliorer sa situation… et de conserver ses avantages… On peut comprendre que, face aux difficultés, la tendance spontanée de chacun soit… de chercher à en tirer le meilleur » (page 104). Ce qui peut conduire à tenter de s’approprier les biens d’autrui. Y remédier suppose de « mettre en oeuvre des moyens pour empêcher que certains s’approprient tout… Il est vital que ceux qui possèdent plus, acceptent de partager, au moins une partie de ce qu’ils ont » (page 105).

Au-delà des intérêts antagonistes, il y arrivera aussi toujours, qu’il y ait des divergences d’opinions, de croyances, de convictions, ou des prises de position qui s’opposent. Certains ont ainsi des attitudes racistes, ou peuvent humilier les autres. Pourtant, « les désaccords n’impliquent pas… le dénigrement mutuel systématique, qu’illustrent les positions des politiciens. On peut s’efforcer de comprendre, avant de critiquer. L’argumentation pour défendre ses positions en sera meilleure. Ce n’est pas parce que nos idées s’opposent, que le dialogue… ne peut pas être bénéfique. Au contraire, l’échange n’en sera, généralement, que plus enrichissant » (page 104).

Il y aura également sans doute toujours des mégalomaniaques qui aspirent à dominer et s’assujettir les autres. Ils visent à exercer une volonté hégémonique et, pour triompher, tentent souvent de diviser pour régner.

Enfin, il y aura toujours « des criminels, des fous cruels et des sadiques, tirant leur plaisir du mal qu’ils/elles infligent aux autres… Il faudra toujours lutter contre eux » (page 105).

On ne pourra donc probablement jamais éviter totalement les conflits armés. Pourtant, il ne n’est plus possible de laisser se perpétuer ces antagonismes, pour au moins trois raisons :

– C’est inefficace. « Nous avons pris conscience qu’« on ne peut jamais détruire tous ses ennemis », comme le disait Bill Clinton à propos des contentieux entre Israël et Palestiniens. Ceux qui survivent en sont renforcés dans leur incitation à l’antagonisme. Ce qui débouche nécessairement sur d’incessantes confrontations armées… D’ailleurs, les résultats des conflits des cinquante dernières années au Moyen Orient (Palestine, Afghanistan, Irak, Syrie, etc.) font douter que la victoire des plus forts fonctionne encore » (page 106). La guerre est, en tout cas, bien moins efficace, aujourd’hui, que les échanges commerciaux, pour défendre ses intérêts.

– On ne peut plus laisser faire car, « aujourd’hui, tout affrontement peut être fatal, ne serait-ce que parce que les armements qui permettent des « destructions massives » sont accessibles à bien des pays, qui sont de plus en plus nombreux à posséder les moyens d’éliminer l’humanité entière et même toute vie sur terre… Toute attaque serait inévitablement réciproque… et conduirait à une annihilation mutuelle » (page 106).

– Il est possible d’instaurer des pratiques qui évitent les conflits armés comme nous le démontrons, « depuis 75 ans, en ayant su éviter, avec la dissuasion, de nous détruire avec la bombe atomique » (page 106).

Il est donc primordial de faire le nécessaire pour maîtriser ceux qui sont à l’origine de conflits armés, afin de leur imposer d’agir en faveur de l’intérêt général.

Que faire pour cela ? La première des conditions est de contrôler les ventes d’armements. Mais le plus déterminant est d’exercer une résistance par la force qui convainque ses adversaires d’adopter une attitude constructive, tout en évitant de se trouver engagé dans des rapports de violence réciproque. Les exemples de Gandhi, Martin Luther King et Nelson Mandela ont montré que l’on peut imposer des changements, sans violence. Ce qui suppose d’avoir le courage d’être prêt à risquer sa vie. En effet, de l’ordre des deux tiers de ceux qui promeuvent des démarches pacifistes courent le risque de finir par être assassinés, comme l’illustrent les cas de Jean Jaurès, Gandhi, Martin Luther King, Robert Kennedy et Yitzhak Rabin. Mais cela n’a pas empêché le succès de leurs mouvements pour l’indépendance, en Inde, pour les droits civiques, aux Etats-Unis, ou pour la fin de l’apartheid en Afrique du Sud.