Les transformations décrites dans mon ouvrage « Dépasser les antagonismes interculturels Un défi vital pour le monde » semblent confirmées par les évolutions que nous constatons actuellement, qui me font présager une poursuite de la recherche de la compréhension mutuelle et de la paix d’ensemble entre les peuples, au-delà des inévitables tensions et affrontements.

La facilitation des communications quasi-instantanées et des transports, à l’échelle du globe, entraîne inévitablement la mondialisation des échanges. Toutes les grandes nations ont pris conscience que leur prospérité était fondée sur les coopérations globales… et qu’elles avaient plus à gagner au commerce qu’aux hostilités.

Cette « internationalisation de l’économie contraint à des échanges constants avec l’étranger. La globalisation de la production et de la consommation confronte à des interlocuteurs de toutes les origines…  Les autres sont… en train de devenir à la fois nos adversaires et nos partenaires. Il est nécessaire, pour être en mesure de coopérer avec eux, ou de résister à leurs offensives » (page 112), de se connaître et arriver à dépasser ses divergences culturelles.

On a ainsi assisté, « avec l’O.M.C., au décollage des nouveaux acteurs, en particulier en Asie… Il en résulte… un extraordinaire développement des pays émergents, fondé, dans une large mesure, sur un soutien public énergique » (page 118) et un basculement du centre du monde vers l’Orient et l’Asie. Même si la Chine ne peut plus, désormais, maintenir sa position dominante d’usine du monde qu’en intensifiant ses sous-traitances avec les Etats d’Asie du sud-est et Océanie, qui deviendront aussi, de plus en plus, acheteurs de ses productions. Et s’il lui faut aussi, aujourd’hui, passer progressivement à une économie reposant sur l’accroissement des revenus et de la consommation de sa population.

Alors, les réussites économiques de la Chine et la Russie communistes, ne passent plus par les nationalisations et collectivisations. Elles sont fondées sur des réussites face aux concurrences, qui débouchent sur des enrichissements individuels.

Tout ceci repose sur un tissu de transactions financières nourries par un endettement général croissant. Or la finance suppose la préservation d’une confiance mutuelle minimale.

Cette mondialisation rend inexorablement les nations interdépendantes. Les dégradations écologiques actuelles ne font que l’accentuer. Il faudra bien que les peuples s’entendent pour surmonter les dégradations de la nature que leurs pratiques ont provoquées, qui s’étendent au-delà de leurs frontières, apportant des conséquences néfastes climatologiques et sanitaires.

Je ne crois donc pas à l’émergence de conflits mondiaux, quelles que soient les divergences entre les peuples.

Même s’il restera de multiples occasions de compétitions et d’affrontements.

Avec l’accroissement démographique de la population mondiale, il y a aura nécessairement un épuisement ou, au moins, une raréfaction des ressources naturelles, qui induira des concurrences et compétitions entre les peuples pour leur obtention.

La financiarisation de l’économie mondiale provoque des inégalités croissantes, qui pourront entraîner des tensions et conflits violents.

On assiste au déclin relatif, notamment démographique, de la Russie, qui aura à cœur de compenser ce repli en intensifiant ses interventions à tous les niveaux.

Rien n’empêchera que quelques-uns essaient ponctuellement de mener des actions pour dégager des avantages et profits personnels. Ce qui induira probablement une multiplication des cyber-agressions, notamment russes et chinoises.

Ainsi, peut-on s’attendre à ce que la Russie et la Chine, qui respectent leurs souverainetés et leurs zones d’influence respectives et veillent à ne pas interférer dans les affaires internes l’une de l’autre, s’allient pour la création d’un monde multipolaire et d’instruments de gouvernance internationale remplaçant ceux des Américains (monnaie de réserve mondiale…).

Tandis que les U.S.A. feront en sorte de rester le peuple le puissant économiquement et technologiquement. Ils continueront à être les premiers producteurs et exportateurs d’armes. Au cours des 5 dernières années, ils ont ainsi réalisé 37 % des ventes d’armes mondiales, tandis que la Russie en a effectué 20 % et la France 8 %. Mais les U.S.A. prendront conscience que leur « guerre au terrorisme, n’a fait qu’exacerber les conflits, tout en laissant s’instaurer bien des injustices (massacres de démocrates dans divers pays…) » (page 117) et ils ne voudront plus assumer une fonction de supervision des équilibres mondiaux. Ils joueront seulement de leur poids dans les rapports de force entre Etats, pour défendre leurs intérêts avant tout. Ce qui érodera inévitablement la force des alliances du bloc occidental. Il est d’ailleurs clair que la prééminence des Occidentaux vieillissants est chancelante. L’« Occident » (U.S.A., Europe, Japon…) fera inévitablement face à l’érosion de son antériorité de supériorité technologique.

Il sera ainsi difficile d’éviter l’affaiblissement de l’Europe qui a à surmonter de multiples difficultés, à commencer par les différences culturelles entre les Etats qui la composent et son risque d’envahissement d’ethnies venues d’autres continents, ayant des racines religieuses hétérogènes. L’Europe a les moyens de maintenir sa place, car c’est le premier marché au monde. Mais aucun des pays qui la compose n’a un poids suffisant pour avoir, à lui seul, un rôle significatif à l’échelle mondiale. Il lui faut donc consolider sa cohésion, rénover ses institutions et s’investir plus dans des domaines déterminants. Son premier défi est de renforcer sa compétitivité : protéger ses atouts et développer ses potentiels actuellement sous-exploités : culture économique, investissement en R&D, motivation/dynamisme, relance de l’éducation et de l’ascenseur social, etc.). « L’Europe a besoin d’un second souffle, c’est-à-dire l’affirmation d’une volonté commune, autour d’une idée fédératrice ». Il lui faut, pour cela, « se fixer un projet volontariste mobilisateur mettant en avant l’intérêt général, composé d’objectifs tangibles, dont les populations puissent mesurer l’atteinte » : « actions coordonnées pour l’écologie, coopération scientifique et technologique, mise en commun de moyens de défense, harmonisation des fiscalités, consolidation de la culture européenne » (pages 183 à 190).

S’il y a des conflits armés, ils devraient être limités, provoqués par des mouvements de population, des exigences de souveraineté ou des affrontements entre religions et cultures, que « Le choc des civilisations » de Samuel P. Huntington avait anticipé.

En effet, l’Occident est « un bloc uni, cimenté par un corps de principes : démocratie, droits de l’homme, Etat de droit, liberté de la presse, indépendance de la justice, mobilité sociale et créativité technologique » (page 121). Francis Fukuyama, avait « prédit, dans « La Fin de l’histoire et le dernier homme », que la fin de la guerre froide marquerait la victoire du libéralisme sur les autres idéologies… grâce à la prospérité… Effectivement, au cours des dernières décennies, l’économie de marché s’est étendue, y compris aux anciens pays communistes » (page 62).  Mais cela n’a pas entraîné pas l’adoption par tous du modèle des U.S.A., du capitalisme et de la démocratie.

Ainsi, l’accès à la consommation et la prospérité par la population chinoise induira inévitablement des transformations de ses exigences. Il y aura certainement des accroissements des égoïsmes personnels. Mais l’héritage culturel Han continuera à valoriser la domination impériale et l’attachement à la collectivité nationale, à l’encontre des valeurs et pratiques anglo-saxonnes, souvent faites de libertés individuelles et d’objectifs à court terme.

Pour tenter de maintenir leurs positions, les Occidentaux chercheront de nouvelles alliances, comme l’illustre la création du « Quad », structure régionale de la zone pacifique, réunissant les U.S.A., les Australie, le Japon et l’Inde.

Cette dernière pourrait, à terme, surplanter la Chine, avec laquelle elle a une frontière de 3500 km, dans l’Himalaya, du moins si le national-populisme de Narendra Modi (formule de Christophe Jaffrelot) réussit à fédérer un peuple dynamique, mais complexe et aux traditions pesantes.

Il pourra donc y avoir partout des mises en cause des valeurs par des courants et régimes autoritaires, démagogiques, xénophobes et nationalistes (Russie, Chine, Europe orientale…).

Des conflits pourraient alors prendre la forme de tensions politiques internes à des pays industrialisés, en Occident, Chine ou Inde.

Mais les conflits armés résultant des migrations de population, exigences de souveraineté et des affrontements entre religions et cultures, apparaîtront surtout dans deux autres continents.

La disparition de l’Etat soviétique a suscité, il y a plus de 30 ans, « l’émergence sur la scène mondiale de nombreux pays, aux Etats parfois faibles et/ou sans société civile constituée… La fin de la guerre froide a laissé le champ libre aux appétits d’acteurs régionaux… Cela a provoqué la prolifération de… puissances moyennes… régionales comme la Turquie et l’Iran et de structures informelles d’« entrepreneurs de violence », tels que Daech. Les gouvernements et populations de ces Etats moyens s’affrontent (cf. Balkans, Israël et Arabie Saoudite contre Iran, Turquie et Russie en Syrie, etc.). Il en résulte une multiplication des antagonismes et des conflits, partout, sur la planète. Ces Etats adhèrent plus ou moins aux règles du jeu traditionnelles, quitte à aggraver le chaos (cf. Afghanistan, Irak, Mali, Somalie…). La Turquie s’émancipe, par exemple, de sa loyauté à l’Otan, en décidant d’acheter des armes à la Russie et en engageant des offensives militaires contre les Kurdes dans le nord de la Syrie » (pages 118 et 119). Le Proche-Orient, mais aussi l’Asie sont ainsi devenus des régions poudrières. « Il y a partout des agitations et des redistributions des pouvoirs, des tentatives révolutionnaires, des renversements des rapports de force… en même temps que des résistances aux évolutions… On le constate par exemple dans les pays d’Europe orientale et d’Asie centrale (Ukraine, Caucase, Géorgie…), avec l’indépendance de certains territoires » (page 116). Il faudra vivre avec ces agitations et les contenir. Ce qui suppose une coopération entre les blocs, donc une adhésion, de leur part, à quelques valeurs de base communes.

Enfin, dans les prochaines décennies l’Afrique sera marquée par une formidable croissance et jeunesse de sa population, qui, ayant un accès, par téléphone portable, à toutes les réalités enviables qui existent dans le monde, aura de fortes ambitions. Cela rend ce continent susceptible d’être contaminé par des agitations idéologiques et religieuses, qui risquent d’en faire un terrain de tensions incessantes. Cependant, toutes les autres nations seront attirées par les ressources naturelles et les possibilités de production et de consommation des populations d’Afrique. Face à la fois à ses instabilités et à ces opportunités, l’Afrique profitera de toutes les alliances possibles et devrait arriver à maintenir un équilibre précaire. Toutefois, forte de ses expériences coloniales, elle veillera à tout faire pour préserver son indépendance.

En conclusion de toutes ces observations, parions que l’intelligence des hommes fera que la terre restera, d’ensemble, en paix, tout en n’évitant pas les agressions locales.