Ayant, ma vie durant, enseigné la méthodologie et accompagné des démarches visant à instaurer un peu de rigueur dans les réflexions de mes contemporains, je suis affligé de constater que les manières de raisonner que je relève sur les réseaux sociaux sont pleines de défauts et de failles :
– propension à tout vouloir résoudre dans l’urgence et attendre des résultats immédiats ;
– problèmes mal posés, en termes de solutions et de moyens, plus que d’écarts à combler entre des aspirations et des motifs d’instisfaction ;
– envahissement par les croyances a priori et les réactions émotionnelles spontanées irréfléchies, y compris les plus irréalistes… et confusion entre croire et savoir, entre les aspects de la réalité et ses propres points de vue. Ce n’est pas parce qu’on le croit que c’est vrai et que ses croyances sont légitimes. Difficulté de remettre en question ses convictions personnelles, considérées d’emblée comme étant des certitudes ;
– valorisation incessante des comparaisons avec les autres (plutôt qu’avec soi-même, dans le temps, ou avec les objectifs qu’on a pu se fixer), ce qui induit un repli sur soi et ses groupes d’affinité… et l’exigence d’un égalitarisme, qui nous éloigne de toute équité ;
– tendance à se conformer aux assertions et pratiques collectives, comme si le fait que tout le monde le pense en faisait une vérité, ce qui restreint notre liberté ;
– analyses fondées sur des informations non fiables, faute de se référer à ce qui est observable, constatable, factuel, du fait d’un discrédit de la vérité (merci aux promoteurs des fake news et de la déconstruction !) ;
– écoute lacunaire des apports des autres ;
– raisonnements, sans approfondissements, fondés sur des déductions d’une logique binaire qui considère que tout ne peut être que vrai ou faux, jamais incertain, ambigu ou ambivalent. Ce qui ne permet pas d’appréhender les effets d’instabilité caractéristiques du temps, qui font que ce qui vit, change et devient constamment autre, tout en restant le même ;
– analyses explicatives qui n’exploitent pas les contradictions et ne tiennent pas compte des interactions et rétroactions, ce qui limite la rationalité de nos explications ;
– dépendance d’automates qui effectuent des rapprochements qu’on ne maîtrise pas, qui débouchent sur des interprétations et conclusions hasardeuses ;
– mise en avant, au moment des décisions, d’aspirations individualistes au détriment des intérêts communs, du collectif et des coopérations fraternelles.
Je cherche désespérément comment contribuer au dépassement de ces travers.
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